Crédit Social ou corporatisme ?

Maître J.-Ernest Grégoire le jeudi, 01 mai 1941. Dans Corporatisme

Quelques lecteurs nous ont posé la question : Est-il mieux de préconiser le corporatisme ou le Crédit Social ? Ou d'autres questions analogues. Aussi sommes-nous heureux de publier copie d'une réponse de M. J.-Ernest Grégoire (l'ancien maire de Québec) à un correspondant qui lui écrivit dans le même sens. On verra qu'à ceux qui demandent : Crédit Social ou Corporatisme ? monsieur Grégoire répond : Crédit Social ET Corporatisme.

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Québec, 2 avril 1941.

Cher Monsieur X.,

Je vous remercie de la confiance que vous me faites en me soumettant le cas de conscience de vos concitoyens vis-à-vis du Crédit Social. Je réponds brièvement à vos questions.

1. Est-ce que le Crédit Social est le bon système pour nous, Canadiens-français ?

Le Crédit Social, tel que nous l'enseignons, veut que la production soit distribuée, que tous aient accès au moins à un minimum de biens, et que l'argent, au lieu d'être une entrave, soit un instrument pour arriver à ces fins. Tel système est bon pour tous ceux qui ont un corps avec leur âme, donc aussi pour les Canadiens-français. L'exploitation de l'homme par l'argent règne d'ailleurs à un très fort degré dans notre Canada français, au moins autant qu'ailleurs. Le Crédit Social y est donc bienvenu.

2. Est-ce que le corporatisme ne serait pas préférable ?

Ce sont deux ordres de choses, tous les deux concourant au bien commun de personnes vivant en société. Le corporatisme met de l'ordre dans la structure sociale ; le crédit social place l'argent au service des personnes composant les divers groupements de cette structure sociale. Le corporatisme décentralise le pouvoir en fortifiant l'autonomie des groupements plus proches de la personne ; le Crédit Social décentralise la finance par une meilleure répartition de l'argent. Les deux remettent de l'ordre, chacun dans sa sphère, là où le libéralisme économique et l'égoïsme ont mis le désordre. Il ne peut y avoir conflit, les deux se complètent. Et là encore, je dirai du corporatisme ce que j'ai dit du Crédit Social : qu'il est bon pour tous les hommes vivant en société, les Canadiens-français comme les autres ; le corporatisme, en effet, répond aux aspirations naturelles de la personne humaine qui cherche à poursuivre ses divers biens dans diverses associations.

3. Au point de vue "race", le Crédit Social est-il une bonne chose pour les Canadiens-français ?

Vous comprenez que les qualités d'une race, ou d'une nationalité, se développent par diverses activités, par une certaine culture, un certain milieu et diverses coutumes qui les caractérisent. Aucune nationalité ne peut bien donner son plein développement tant que les entraves financières lui barrent le déploiement de ses aptitudes. Les Canadiens-français ne font pas exception. Ce n'est pas le Crédit Social qui va faire leur nationalité, mais il va leur permettre de s'employer plus librement, et plus pleinement à la faire eux-mêmes.

Je vous félicite pour le cercle d'étude de Rouyn. Tâchez de le faire tenir en dirigeant les membres vers de l'action, que ça ne reste pas dans les nuages.

Veuillez me croire,

Votre tout dévoué,

J.-E. GRÉGOIRE, avocat

Maître J.-Ernest Grégoire

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