Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
L'argent. Qu'est-ce, au juste, que l'argent ?
L'argent, c'est tout ce qui sert à payer, à acheter. En n'importe quoi c'est fait. Pourvu que tout le monde l'accepte, que le gouvernement le reconnaisse.
Avec quoi paie-t-on ? Avec quoi achète-t-on ?
On paie avec ça (montrant des billets et de l'argent dur). Donc, ça, c'est de l'argent.
En passant, voyez ce 25 sous : il y a plus de matériel là-dedans que dans un billet de dix piastres. Ce métal coûte plus cher que le morceau de papier marqué $10.00. Prenez aussi un billet d'un dollar, un de deux dollars, un de cinquante ou de cent dollars. Ils sont tous de la même grosseur, de la même grandeur, même poids, même travail pour les imprimer.
Cela prouve que ce qui fait la valeur de l'argent, ce n'est pas la chose dont il est fait, mais l'acceptation par tout le monde et la possibilité d'obtenir des produits en échange.
Donc, ça c'est de l'argent, puisque ça sert à acheter.
Mais achète-t-on avec d'autre chose que cet argent-là ?... Non ?... Voyons ! Si vous avez un compte de banque, est-ce que vous n'êtes pas capable d'acheter sans vous servir de l'argent de papier ou de métal ?
— Ah ! oui. Un compte de banque, c'est de l'argent. Tout le monde sait ça. Mais un compte de banque, ça correspond avec de l'argent de papier !
— Vous pensez ? Faites donc le total de tous les comptes de banque du Canada. Puis le total de tout l'argent de papier et de métal du Canada. Vous trouverez à peine 300 millions d'argent de papier et pour plus de 3,000 millions de comptes de banque. 3,000, ça ne correspond pas avec 300.
Qu'est-ce que ça veut dire, sinon qu'il y a des comptes de banque qui ne sont pas faits avec de l'argent de métal ou de papier ? Les neuf-dixièmes des comptes de banque sont faits autrement. On verra ça tout à l'heure.
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Mais comment est-ce fait un compte de banque ? En quoi que c'est fait ? Demandez au banquier de vous montrer un compte. Que voyez-vous ? Des chiffres : 2,500 ; 2,625 ; 2,700 ; 2,340 ; 1,800 ; 2,945. Ça monte, ça descend. C'est le dernier nombre qui est le compte.
En quoi que c'est, ça ? Est-ce en métal ? Est-ce des rectangles de papier ? Non. Ce sont des chiffres. Le compte de banque est fait avec des chiffres. Et on achète avec le compte de banque.
— Mais on n'achète pas avec des chiffres !
— Bien certainement, on achète avec des chiffres. Exemple :
J'ai un compte de banque de 4,000 piastres. Je veux acheter une petite auto de 1,000 piastres. Je vais payer le marchand sans me servir d'argent.
Je donne le chèque au marchand. Il me passe l'auto.
Qu'est-ce que le marchand va faire avec ce morceau de papier ? Demain, il va aller à la banque, déposer son chèque. Il va écrire son nom en arrière du chèque et le passer au banquier.
Que va faire le banquier ? Il va prendre son livre, son "ledger", chercher deux comptes. Le compte du marchand d'abord. Le marchand avait $70,000 ; le banquier écrit en dessous : $71,000. Le marchand a maintenant $71,000 là, dans son compte. Puis le banquier cherche mon compte. J'avais $4,000 ; le banquier écrit en dessous $3,000. J'ai maintenant seulement $3,000 là, dans mon compte.
Puis ? C'est tout.
Mais ai-je payé l'auto ? Certainement, et payé comptant.
Avec quoi ai-je payé ? Avec des billets comme ça ? Pas du tout. Je ne me suis pas servi de cet argent-là. Je n'ai pas touché une seule piastre. Ni le marchand non plus. Ni le banquier non plus. Le banquier n'a pas changé d'argent de place dans son tiroir.
Pas une seule piastre n'a bougé de place. Et pourtant j'ai payé l'auto. Avec quoi ? Qu'est-ce qui a bougé comme argent pour payer mon auto ?
Regardez (montrant un cahier ouvert). 1,000 de moins ici, 1,000 de plus là. C'est avec ça que j'ai payé l'auto. Avec des chiffres : un, zéro, zéro, zéro. Ce sont des chiffres, ça, et c'est avec ces chiffres-là que j'ai payé l'auto. J'ai passé 1,000, en chiffres, au marchand.
On paie donc avec des chiffres. Donc, il y a de l'argent de chiffres.
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Mais cet argent de chiffres, y en a-t-il beaucoup ? Est-il important ?
C'est de cet argent là qu'il y a le plus. Dix fois autant que de l'autre.
L'argent de chiffres, c'est l'argent des affaires. Toutes les compagnies marchent avec ça. Elles paient, elles sont payées avec des chèques.
L'autre argent, les piastres de papier, la monnaie de métal, c'est l'argent de poche, pour les petits achats courants. C'est le nôtre à nous, parce que nous sommes pauvres. C'est l'argent des petits. Mais les riches, mais les affaires, mais le gouvernement, mais la guerre — ça marche avec des comptes de banque, avec des chiffres.
Et l'argent de poche, le nôtre, quand est-ce qu'il y en a ? Quand les affaires sont bonnes. Quand les compagnies marchent. Et les compagnies marchent quand elles ont de bons comptes de banque.
Donc c'est l'argent de chiffres qui fait marcher l'autre. Beaucoup d'argent de chiffres — l'argent de poche roule. Pas gros d'argent de chiffres — l'argent de poche disparaît.
C'est donc l'argent de chiffres, le compte de banque qu'il est important d'étudier si on veut connaître la question de l'argent.
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Si on veut savoir où commence l'argent, où il va, ce qu'il devient, c'est l'argent de chiffres qu'il faut regarder. C'est par le chiffre que l'argent commence. L'autre, les piastres, les sous, ne viennent que pour remplacer l'argent de chiffres quand quelqu'un reçoit un chèque et qu'il aime mieux l'argent de poche qu'un compte de banque.
C'est l'argent de chiffres qui est le vrai argent, l'autre n'est plus qu'un substitut, dont on se sert à peu près pour un dixième du commerce seulement.
Dès qu'un homme d'affaires reçoit de l'argent de papier ou de métal, il se dépêche de le placer à la banque pour avoir de l'argent de chiffres à la place. Il n'aime pas le substitut.
Mais où commence l'argent de chiffres, puisqu'il faut bien qu'il commence quelque part ?
Lorsque j'ai acheté mon auto, l'argent de chiffres a quitté mon compte pour celui du marchand. Il ne commence pas, il continue son chemin, il change de place.
Mais ça commence tout de même quelque part !
Oui. L'argent de chiffres commence lorsqu'il entre dans un compte pour la première fois, sans sortir de nulle part.
Remarquez bien : lorsqu'il vient dans un compte pour la première fois, et sans sortir d'ailleurs.
Lorsque je dépose $10 à la banque, le $10 entre dans mon compte. Mais il vient d'ailleurs, il vient de ma poche. Ce n'est pas un commencement. C'est un changement de place et un changement de forme. C'est de l'argent de poche qui devient de l'argent de chiffres. Continuation sous une autre forme.
Mais ça arrive-t-il, que de l'argent entre dans un compte sans sortir d'ailleurs ? Certainement. Autrement, il n'y aurait pas plus d'argent dans les comptes qu'il a été apporté de l'autre argent. Pourtant il y en a au moins dix fois autant.
Quand est-ce que l'argent de chiffres entre dans un compte sans sortir d'ailleurs ? — lorsque quelqu'un, un industriel, un gouvernement, emprunte des banques une grosse somme d'argent. Exemple :
(à suivre)