Nous terminions le dernier article par la définition essentielle du Crédit Social. Nous expliciterons cette définition dans un prochain numéro, comme il convient.
Cette définition nous donnait quelque chose d'objectif, nous plaçait dans l'univers intentionnel de connaissance.
Nous tentons ici d'autres définitions, prises en pleine vie, en pleine existence en quelque sorte, (sans amorce à l'existentialisme, c'est bien entendu), et nous appelons ces diverses définitions : définitions culturelles.
Pour pouvoir formuler ces définitions et les justifier, il suffit de comprendre que le Crédit Social, s'il est en soi, (in se), au sens très strict, une technique monétaire, n'est pas que cela dans l'ordre de l'existence. Dans cet ordre de l'existence comme connue, (in « tu signato), il n'est pas un ce je ne sais quoi d'idéaliste parce que matérialisant trop la vie, en l'absorbant dans un plan, celui de la monnaie, qui ne postule qu'un primat fonctionnel ; il se rattache, comme toute doctrine vraie, à tout l'ensemble du savoir et du réel, il communie aux autres secteurs de vie.
Ajoutons encore que, au contraire de tous les systèmes issus des vices de la société individualiste sortie de la Réforme et de la Renaissance, tels que le nazisme, le fascisme et le communisme, le Crédit Social n'est pas, de soi, une mystique.
Pas de gauchissement des forces de vie, pas d'hybridation des termes !
Le Crédit Social, chez nous, se prétend simplement vrai à son plan, et comme tel, ses tenants ne peuvent se relever, dans leur vie personnelle, que d'une Mystique, s'ils sont hommes assez complets pour en vivre une : celle du Christ ; car c'est la seule qui existe, les autres ne peuvent être que des parodies monstrueuses et sacrilèges, des matérialisations plus ou moins conscientes du spirituel surnaturel.
Ce qui ne signifie point qu'un créditiste adhère plus à la vérité évangélique qu'un autre, ou qu'il doive y adhérer parce que créditiste. Non ! Non ! Pour l'amour de Dieu, apprenons donc à distinguer ! Le créditiste doit adhérer à la Mystique du Christ, de l'Église, parce qu'il sait que c'est la seule vraie, et qu'elle demeurerait telle même si l'on pouvait prouver que le Crédit Social est faux.
Celui qui, dans sa ferveur de partisan, à un système social quelconque, serait tenté de renverser l'influx vital des divers plans de vie de haut en bas, comme il va, de bas en haut, indiquerait par cela même qu'il se totalitarise ; et toute totalitarisation, si ce n'est dans la Charité qui vient nous enlever, est une déviation désastreuse.
Ce qui n'empêche pas non plus le créditiste de constater dans son cœur que le personnalisme que rayonne le Crédit Social, donne même de l'élan pour vivre l'Évangile et le faire vivre. Mais le créditiste doit veiller à éviter soigneusement la confusion des plans, à ne pas tomber dans une théosophie aventureuse. Et dans le concret, dans l'ardeur de ses conquêtes, il doit se garder de mêler des questions qui demandent à être bien distinguées.
En un mot : unité psychologique de l'homme dans l'absolu de la Charité ; diversité ontologique des plans doctrinaux, dans la lumière du savoir.
Donnons donc quelques-unes de ces définitions culturelles mentionnées plus haut. Elles sont toutes dans la ligne d'un personnalisme authentique.
Le Crédit Social :
C'est la philosophie intégrale de l'association ;
C'est la réfraction de la philosophie personnaliste sur le plan du social, de l'économique ;
C'est la priorité de la personne humaine sur la monnaie ;
C'est le primat tout court, de la personne humaine dans le social et l'économique ;
C'est la priorité de la consommation sur la production, car le consommateur est la fin de tout l'ordre économique ;
C'est enfin le rétablissement de l'ordre dans l'économie, dans la coordination des moyens de l'ordre économique à l'obtention de la fin du même ordre.
Etc Etc
Toutes ces définitions peuvent servir à souligner les lignes de force du Crédit Social, lignes de force qui sont l'inverse de celles qui dominent l'économie présente. Et pourtant le Crédit Social n'offre à craindre aucune solution de continuité, car ses lignes de forces sont l'aboutissement normal de tout ce qu'il y a de sain et de vraiment humain dans la tradition économique. Nous y reviendrons.
Nous parlerons aussi des relations entre le Crédit Social, les coopérations, les corporations, sujets souvent traités par le journal.
Nous le ferons d'un point de vue strictement doctrinal. Nous envisagerons aussi les relations entre la doctrine créditiste et le problème national des Canadiens-français.
Nous apprenons qu'on craint, dans certains milieux, les progrès du mouvement créditiste québécois ; il manquerait de doctrine générale suffisante, de substratum doctrinal adéquat, vu que l'élite intellectuel officielle se tient toujours globalement à l'écart. Qu'arriverait-il alors, si un tel mouvement devenait assez fort pour aspirer aux postes de commande ?
Nous comprenons ces craintes et nous y répondons rapidement pour aujourd'hui. S'il s'en trouve d'autres, qu'on les formule, et nous tâcherons de satisfaire toutes les exigences légitimes.
Tout d'abord, s'il semble y avoir (remarquez bien : "s'il semble", non "s'il y a") peu d'intellectuels dans le mouvement, cela ne signifie pas que la direction se désintéresse du point de vue doctrinal, pour verser dans un empirisme, un opportunisme grossier, dans une œuvre de vulgarisation exclusive. De récentes initiatives de la Direction en donnent des preuves, suffisantes.
Ensuite, si les intellectuels officiels ignorent le Crédit Social, ce n'est pas de notre faute. Il me semble que nous parlons et écrivons en public ; le mouvement n'a rien d'ésotérique. Nous reviendrons aussi sur cette question.
D'ailleurs le groupe créditiste ne prétend pas tout absorber, tout remplacer. Il ne veut rien détruire ; il construit simplement ce qu'il croit devoir être construit et tous les matériaux utiles auront à être utilisés. Il n'a rien du totalitarisme, monstruosité moderne et fruit des principes qu'il combat.
Enfin, le Crédit Social n'est présentement, dans Québec, qu'un mouvement d'éducation orgarnisé. Si l'on s'imagine qu'un adepte éclairé du Crédit Social puisse aspirer à un pouvoir quelconque avant que le peuple ne soit instruit de la chose publique, c'est qu'on n'a pas compris ce qu'est le Crédit Social ou qu'on juge témérairement ceux qui le propagent.
Le Crédit Social est le système économique qui répond aux exigences de la seule vraie philosophie, celle qui respecte la personne humaine. Ainsi, il ne peut fleurir qu'au sein d'un peuple éclairé, qui choisit en toute liberté, dans la lumière de son savoir, la libération de son âme. Toute autre voie, frisant plus ou moins les méthodes dictatoriales, ne conduirait qu'à une caricature du créditisme intégral.
Donc, que tous les bons ouvriers de la maison, intellectuels ou autres, dorment en paix vis-à-vis de la puissance que nous pouvons acquérir : même s'ils ne pensent pas toujours comme nous, ils font sans doute œuvre humaine, et nécessaire dans leur secteur propre, et ainsi ils se trouveront mieux eux aussi d'un ordre social plus humain.
Le Crédit Social, bien compris, est assez vrai pour n'être pas contre quoi que ce soit de façon négative, mais pour être simplement pour la vérité complète, pour s'intégrer à sa place dans une société bien équilibrée.
Il naît, il grandit, et la haine est "le signe de quelque chose qui finit."
(À suivre)