Au diable la fiole de Banco

le jeudi, 15 janvier 1942. Dans Crédit Social

Le 7 décembre, les Japonais attaquent sans dé­claration de guerre. Pearl Harbor rallie immédiatement tous les Américains pour la défense de leur drapeau. Un même élan les soulève tous ; un seul cri : Nous vaincrons !

Nous vaincrons ! Et sur quoi les Américains se fient-ils pour gagner la guerre ? Avec quoi comp­tent-ils gagner la guerre ?

Voici ce qu'écrit Gorhara Munson, de New‑York, dans sa lettre hebdomadaire (Men First) du 13 novembre :

"Nous vaincrons.

"Sur quoi est fondée cette foi profonde et soule­vante dans la victoire des États-Unis ?

"Qui, la semaine dernière, a une minute pensé que nous gagnerions la guerre à cause de la masse d'or enfouie par nous à Fort Knox ? Personne a-t-il eu l'idée que nous gagnerions à cause de notre grande force financière, ou parce que nos banquiers sèmeraient la terreur chez les Japonais, les Alle­mands, les Italiens ?

"Non. Sur le coup de l'entrée en guerre, finie la religion du banquier. Les choses ont été immédia­tement replacées sur leur véritable plan. Le public a spontanément démontré qu'il possède le sens, simple mais ferme, du crédit réel de l'Amérique. Pas de babillage idiot sur un Japon ou une Allemagne acculés au mur par la banqueroute. Non. Mais, au lieu de ces mots qui ne signifient rien, le sens calme et réaliste de nos ressources en hom­mes, de notre puissance productrice, de notre caractère — ces choses qui constituent le crédit réel du pays.

"Chaque Américain sait que nous avons les hom­mes, les machines, le matériel ; que nous avons le savoir-faire et le courage — au diable donc les vieilles, fumisteries des banquiers !

"Est-il un seul Américain qui, en face du danger, se soit arrêté avec fierté devant la banque au coin de la rue, en disant : Voilà la source de notre force, voilà notre sauvegarde en cette heure critique !

"Tous, au contraire, ne se sont-ils pas tournés avec espoir vers les usines d'où sortent les canons, les avions, les chars d'assaut, les navires — vers les millions d'hommes disponibles pour nos forces armées ; pour notre production de guerre, pour la guerre totale ; — vers l'industrie américaine, l'en­treprise américaine, les traditions américaines, l'habileté américaine, l'esprit inventif, l'audace et le nerf américains ? Les choses vraies au premier rang ! Au diable la "numéralogie" du banquier !"

M. Munson ajoute que les banquiers, il est vrai, vont chercher à maintenir leur griffe sur le pays ; non pas en restreignant le crédit, le gouvernement ne le supporterait pas, mais en le harnachant à une dette perpétuelle. La guerre finie, faite par les au­tres, les banquiers voudront présenter leur facture, demander à la nation le paiement d'une guerre sou­tenue par le travail, les sueurs, le sang, les sacrifices de la nation.

Le coup a réussi dans le passé. On payait dévo­tement. On n'avait pas fini de payer la dernière guerre, on n'en avait servi que les intérêts, on en devait encore tout le montant, lorsque la présente guerre a éclaté.

Mais la mèche est éventée. "Le système moné­taire que nous avons ne survivra pas à cette guerre. Il est condamné. Les banquiers peuvent se réfugier dans leurs dernières redoutes, leur défaite est as­surée."

C'est hier qu'on était immobilisé dans leur car­can. Tout un monde immobilisé, paralysé. Les tra­ces en sont encore sur les visages, dans les maisons, dans les âmes. Aurait-on mis le carcan de côté pour se battre et le reprendre une fois la guerre finie ? Au diable les formules des banquiers, au diable leurs fioles ! S'il faut s'en passer pour tuer, on peut s'en passer pour vivre.

Le major Douglas — qui ne prophétise pas, mais qui raisonne — l'annonçait dès 1931. Constatant qu'une autre guerre devenait inévitable, parce qu'­on n'avait pas eu la sagesse de changer à temps le système financier, il ajoutait : "Quelles que soient les institutions qui survivront à cette prochaine guerre, le système financier actuel ne sera pas du nombre."

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