La lettre commerciale mensuelle de la Banque Canadienne de Commerce pour septembre 1936, dit :
"La diminution lente mais régulière des stocks depuis la mi-été 1932 et la hausse simultanée des prix seraient plus encourageantes, n'était la situation stationnaire du commerce mondial. L'absence de toute augmentation comparable du commerce mondial depuis 1932 souligne le fait que la diminution des stocks tient moins à leur absorption générale par les consommateurs qu'à une restriction volontaire de la production, ou, comme c'est le cas pour le blé, à une suite de mauvaises années dans des régions de grande production."
D'où il ressort que moins de produits disponibles et des prix plus forts sont, paraît-il, chose "encourageante" (Pauvre consommateur !)
Où l'on confesse aussi la restriction volontaire de la production plutôt que la satisfaction du consommateur, pour arriver à cet état de chose "encourageant."
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Du même document (page 8) : "Le marché du beurre et du fromage a été fort, à cause d'une meilleure demande à l'exportation et de l'effet de la sécheresse sur la production."
La sécheresse aidant l'effort du Canada à exporter ses produits vers les tables d'Angleterre ou des États-Unis, on a enfin réussi à faire monter les prix sur le marché domestique. Est-ce réconfortant pour la maman canadienne qui veut mettre quelque chose sur le pain de ses enfants ?
Et pour les buveurs de café ? "Les cours du café se sont raffermis un peu à la nouvelle de gelées au Brésil et de la suppression rapide du marché de la récolte destinée à la destruction." Progrès sur toute la ligne.
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Un peu dans le même ordre logique les réflexions du rédacteur financier du Canada commentant le 9 octobre un communiqué de la Banque de Montréal. Il remarque entre autres :
"Les possibilités d'écoulement de nos surplus, à la suite d'une moisson peu abondante cette année, constituent un développement fort intéressant.
Il importe aussi de ne pas oublier que les rumeurs de guerre comptent aussi pour quelque chose dans le mouvement ascendant persistant des prix du blé. Que la situation internationale s'aggrave et notre blé s'en ressentira heureusement, d'autant plus que l'on estime que les exportations de blé durant la présente campagne atteindront près de 200,000,000 de boisseaux ; ce qui signifierait la solution de notre problème du blé, puisque le total des stocks reportés au premier août ne s'élevait qu'à 109 millions de boisseaux et que la récolte de cette année n'est estimée qu'à 216 millions. En tenant compte de la consommation domestique s'élevant à 112 millions de boisseaux et des exportations probables de 200 millions, il s'en suivrait que le pays n'aurait plus sur les bras l'an prochain qu'une quinzaine de millions de boisseaux." (Marcel Clément.)
Voyez-vous, quand on a une richesse de 200 millions de boisseaux de blé sur les bras, on ne peut obtenir de pouvoir d'achat et tous nos autres biens sont gaspillés ou on en limite la production. Très fin !... Et le salut sera dans une aggravation de la situation internationale … Ô journalistes !
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Du “Canada” du 2 octobre :
“Pas de charbon russe à Montréal cet hiver. - La loi de l'offre et de la demande n'opère plus parce qu'il est impossible de trouver des cales pour transporter ici le charbon russe dont le récent traité avec les Soviets permettrait l'importation."
Laissez faire les cales et le charbon russe. Nous avons au Canada d'immenses réserves de charbon et des moyens de transport qu'on dit excessifs. Ni le produit ni les moyens physiques de distribution ne manquent. Donnez seulement de l'argent, des dividendes, au consommateur de Montréal et vous verrez le charbon entrer dans ses caves.
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Quand Edmond Turcotte fait de l'arithmétique... Du “Canada" du 15 septembre ; parlant des certificats de prospérité de l'Alberta :
“Chaque certificat a une existence prévue de deux ans (donc 104 semaines). Au dos de chaque certificat d'un dollar se trouvent 104 rectangles portant chacun une date hebdomadaire.
Quiconque se trouve possesseur d'un certificat à l'échéance d'une quelconque de ces 104 dates est appelé à couvrir d'un timbre d'un sou le rectangle de la date échue — ce qui, au bout de deux ans, fait un prélèvement de $1.04 sur le public pour chaque émission d'un dollar.
Ce prélèvement, ce n'est pas autre chose, en somme, qu'une taxe déguisée sur les affaires et sur les salariés et une taxe excessivement lourde, puisqu'elle équivaut à du 104% (oui, vous avez bien lu : cent quatre pour cent !)."
Edmond doit savoir, puisqu'il écrit sur la question, qu'au bout de deux ans le trésor albertain remet les $100 au porteur du certificat ; les 4% sont aussi retournés dans le public puisqu'ils furent prélevés pour l'administration. De sorte qu'au bout de deux ans, le peuple après avoir bénéficié de $100 pour des travaux publics reste aussi pourvu de monnaie qu'auparavant, sans trace de dette. Avec la méthode de "financement orthodoxe" chère à notre journaliste, on ne peut acquitter même les intérêts. Tel le pont de Montréal qui, aux quarante ans d'échéance des obligations, aura coûté 38 millions d'intérêt pour un emprunt de 19 millions... Quand Edmond fait de l'arithmétique !
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"L’Écho du Bas Saint-Laurent" écrivait au début de la nouvelle année scolaire :
"Avec la réouverture des classes se pose de nouveau, pour le budget de la famille pauvre, le problème angoissant de l'achat des manuels scolaires.
Le coût des manuels scolaires dans cette Province — il faut l'avouer — constitue une sérieuse entrave à l'instruction de ceux qui en ont le plus besoin. Lorsqu'un père de famille gagne à peine assez pour faire vivre les siens misérablement, il n'est pas capable de dépenser huit ou dix dollars pour acheter des livres scolaires le premier septembre et ses enfants restent à la maison ou végètent en classe.
Le prix des manuels scolaires est exagéré et prohibitif pour le budget du travaillant qui a une nombreuse famille.”
Si vous voulez diminuer le prix des manuels scolaires, vous devez diminuer le salaire des typographes, des imprimeurs, des relieurs ou des ouvriers qui travaillent à la fabrication du papier. Il y a une autre solution : donnez un dividende à chaque homme, femme et enfant du Canada. Plus la famille sera nombreuse, plus elle appréciera ce geste. Inflation ? — Mais non, puisqu'il n'y a pas de pouvoir d'achat total suffisant. — Le trésor est vide ! Nouveaux emprunts ? Nouvelles dettes ? — Il y a moyen de garder le trésor alimenté dans un pays riche d'hommes et riche de choses : demandez la solution au Crédit Social.
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Le rédacteur financier du "Canada," Marcel Clément, écrivait, il y a quelques semaines, sous le titre “Le cuivre et la course aux armements" :
"Le prix du cuivre d'exportation a touché vers le milieu de cette semaine.09,825 cents la livre, soit le plus haut niveau depuis le printemps de 1931.
"Il n'y a aucun doute que la course aux armements et l'amélioration actuelle des affaires influeront fortement avant longtemps sur l'activité de l'industrie du cuivre, et que le jour est peut-être moins éloigné qu'on ne le croit en certains milieux où cette industrie produira librement d'autant plus que les surplus en entrepôts diminuent considérablement depuis cinq mois."
Quel bienfait que ces industries de guerre ! Comme elles vont faire profiter... qui ? — Mais elles font monter le prix du cuivre, et :
"Sait-on qu'une avance de un sou signifie 14 cents de plus par action pour Nickel, 32 cents pour Noranda et 22 cents pour Hudson Bay ?"
Pain bénit pour les actionnaires. Mais combien de sous de plus par heure pour les ouvriers des mines ? Et pour ces pauvres diables que les nations armées aligneront sur les champs de bataille en invoquant les plus sublimes sentiments patriotiques ?
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Le même commentateur, qui ne se sert évidemment pas de la même lentille que nous, fait les réflexions suivantes le 8 octobre :
"Le Comité des Détenteurs d'Obligations de l'Alberta vient de faire rapport que l'Alberta peut payer ses intérêts en entier, mais qu'elle ne veut pas le faire. Il est vrai que le budget de cette province n'est pas encore équilibré, mais un déficit de seulement $200,000 n'est pas tel, qu'il puisse justifier une réduction arbitraire dans le taux des intérêts sur les valeurs en cours. Bien plus, un tel déficit aurait pu être comblé aisément par un léger accroissement dans les taxes ou encore par une contraction dans les dépenses administratives ; ce qui serait beaucoup mieux."
Pourquoi serait-ce beaucoup mieux ? En voilà un qui croit encore à la primauté du capital argent sur le capital humain... à moins qu'il écrive pour sa paye !
Un peu plus loin :
“Une campagne s'impose au pays, afin de mettre fin aux répudiations arbitraires des dettes ou des intérêts, car, à défaut, notre crédit s'en ressentira tout à fait défavorablement à l'étranger. D'ailleurs les récents coups portés par Aberhart et Hepburn ont rendu les placiers étrangers quelque peu sceptiques, en ce qui regarde l'excellence des placements en territoire canadien, comme le démontrent les commentaires effectués à ce sujet dans maints journaux de Londres et de New-York.”
Voilà qui est lamentable ! Au simple jugement ordinaire, il semble pourtant que quand on a les hommes, les machines, le matériel, on peut travailler et distribuer les fruits du travail sans s'inquiéter de Londres ou de New-York. Que ferait-on si l'Europe sombrait dans l'océan ? Se laisserait-on mourir faute de capitaux anglais ?
Une dose de crédit social ferait du bien à maints rédacteurs financiers de nos journaux. Qu'ils essayent, ça ne coûte pas cher !
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Un oracle de la finance, M. Thomas Bradshaw, président de la North American Life Company, déclarait, le 11 septembre, au cours d'un discours sur les finances municipales, que l'instruction publique coûte trop cher au Canada et qu'il faut de toute nécessité exercer un contrôle plus sévère sur les dépenses faites pour l'instruction publique.
Trouve-t-il trop élevé le salaire de l'institutrice du Québec ? Ou bien craint-il qu'une jeunesse instruite menace le monopole financier constitué à la faveur de l'ignorance des masses ? Et si l'on allait s'imaginer de promener le projecteur sur un certain détournement d'un million et demi des fonds de la North American Life ?
Cet artiste de la finance disait aussi au cours de son discours :
“L'avenir de tout particulier" est hypothéqué à un taux qui menace de devenir encombrant. La pratique de capitaliser et d'émettre des obligations pour des fins de secours en chômage, sans actif pour les garantir, ne devrait pas être tolérée. Pareille méthode est un signe de faiblesse financière, elle nuit au crédit, tend à faire monter le taux des taxes, et, si elle continue, conduira fatalement aux pires embarras financiers."
Il y a, en effet, une autre méthode que les obligations pour rectifier la situation, pour libérer les municipalités de leur asservissement financier, pour supprimer une pauvreté injustifiée. Ce n'est pas Bradshaw qui la proclamera, car pour lui la finance est suprême et il ne souscrira jamais à une doctrine qui veut en faire une servante. Tout ce qui est possible matériellement doit l'être financièrement, disons-nous. Mais c'est trop simple, trop conforme au sens commun pour les pontifes du Brain Trust.
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À lire aussi la plaquette du R. P. Lévesque, "Crédit Social et Catholi- cisme," Prix, 10 sous. Vous pouvez l'avoir au Service de Librairie de l'Action Catholique, à Québec, ou à Garden City Press, Gardenvale.