Le Crédit Social répudie-t-il la dette nationale ? Il ne répudie pas la dette contractée, mais il dénonce la contraction de dette. La dette nationale est l'expression de la servitude de l’État vis-à-vis des faiseurs et destructeurs d'argent.
Une monnaie-dette ne peut engendrer que des dettes. Les gouvernements ne peuvent équilibrer leurs budgets que par l'expansion de la dette, c'est-à-dire qu'en autant que les banques créent et émettent suffisamment de monnaie pour que leur soient payés les intérêts à elles dues par les gouvernements et par l'industrie.
Mais la répudiation de la dette contractée ou l'abaissement de taux d'intérêts convenus n'est pas partie intégrante du Crédit Social. Nous ne voulons pas dire qu'il n'y ait pas lieu de réduire les taux d'intérêt et que les administrations qui le font ont tort. Mais le Crédit Social ne vise pas cette manière de soulager le peuple. Lorsque Aberhart décrète une diminution des taux d'intérêt, nous croyons qu'il allège le fardeau des contribuables, mais ce n'est pas le Crédit Social proprement dit.
Appliquées, les propositions du Crédit Social permettraient d'éteindre la dette sans répudiation, et par suite de décharger les contribuables du service de l'intérêt, en peu d'années. Puisque le Crédit Social monétise la production, le remboursement de la dette équivaudrait à un paiement en nature. Nous croyons la production potentielle du Canada assez développée pour pouvoir servir facilement l'intérêt annuel sur la dette et le remboursement des obligations à mesure des échéances, dès lors que cette production est monétisée, sans même absorber toutes les disponibilités représentées par la monnaie nouvelle émise et distribuée chaque année sous forme de dividende et d'escompte compensé. À mesure qu'on se débarrasserait de la dette, le consommateur ressentirait évidemment davantage l'augmentation de son pouvoir d'achat.
Supposez qu'un cultivateur emprunte $2000 pour perfectionner son outillage agricole et ses troupeaux et que, pour rembourser capital et intérêt, il doive remettre à son prêteur $260 par an pendant dix années successives. Si le prêteur accepte l'équivalent de $260 en nature — lait, beurre, œufs, tomates, etc. — l'agriculteur, vu l'augmentation de production résultant des améliorations permises par le prêt, n'aura sans doute pas de difficulté à satisfaire son homme. Mais c'est de l'argent qu'exige le prêteur ; comme l'agriculteur produit des biens et non pas de la monnaie, il ne pourra payer que s'il réussit à vendre ses produits. Il les vendra si le consommateur qui a besoin de ces produits a l'argent pour les acheter.
Si le prêteur est le maître de la monnaie, s'il contrôle à son gré le volume de la monnaie en circulation, on comprend que la capacité du fermier à vendre ses produits et à payer son prêteur dépend du prêteur lui-même. Si celui-ci veut maintenir le cultivateur dans une dette perpétuelle, bien au-delà des dix ans, ou comme alternative saisir sa ferme pour non-paiement, il en a le moyen. C'est exactement le cas du système actuel, dans lequel l'agriculteur représente toute la nation travaillante et le prêteur le banquier parasite et maître. D'où la dette perpétuelle, d'où aussi l'emprise des banques sur l'industrie.
Mais éliminez chez le prêteur le contrôle du volume de crédit en circulation. Qu'il ne soit que prêteur. Que le volume de la monnaie entre les mains du public dépende uniquement du volume de produits offert au public — le consommateur achètera, l'agriculteur vendra et le prêteur sera remboursé. Une fois la dette acquittée, le cultivateur, qui n'aura pas trop souffert, vivra encore beaucoup mieux, parce qu'il lui restera $260 de plus par an pour employer à sa guise.
Faites l'application à la dette nationale et voyez la solution qu'y apporterait le Crédit Social.