"Il y a entre le monde et l'âme une étrange solidarité. Le monde souffre à cause de l'état des âmes, les âmes souffrent à cause de l'état du monde." Jacques Maritain.
Le monde d'aujourd'hui, qui souffre à cause de l'état des âmes, quel est son aspect ?
Il présente dans tous les pays, de grandes masses de peuple dans la privation du pain, du vêtement, du logis, en un mot des choses essentielles à l'entretien de la simple vie animale de l'homme. Des bêtes de somme au service d'un petit groupe d'égoïstes, de cupides et d'assoiffés de pouvoir. Misère temporelle des hommes causée par le vice de certaines âmes, qui dominent et contrôlent le monde.
Cette misère temporelle demeure et s'accentue à cause de la lâcheté de ceux qui ont pour vocation la protection du bien commun ou l'éducation des esprits et des cœurs. Par lâcheté, ils ne remplissent pas leur rôle. Par lâcheté encore et par orgueil, ils empêchent d'autres de faire le bien à leur place, soit en ne les encourageant pas, soit en nuisant directement à leur apostolat.
Voilà pour la souffrance du monde à cause de l'état des âmes.
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Et les âmes, elles, souffrent, à cause de l'état du monde.
"Il est exact de dire que telles sont, actuellement, les conditions de la vie économique et sociale qu'un nombre très considérable d'hommes y trouvent les plus grandes difficultés pour opérer l'œuvre, seule nécessaire, de leur salut éternel." (Pie XI).
Ce sont des chômeurs qui voient s'éteindre avec leurs ambitions légitimes, toutes leurs énergies pour faire le bien.
Ce sont des pères de famille, incapables de remplir leurs fonctions de pourvoyeurs du foyer, et qui vont noyer dans la bière leur découragement.
Ce sont des jeunes gens, trop pauvres pour se faire un "chez eux" légitime, qui gaspillent leur jeunesse dans le vice.
Ce sont des époux à qui la misère refuse le pouvoir d'élever des enfants.
Ce sont des apôtres qui n'ont ni le loisir ni l'argent nécessaires pour faire le bien.
Il y a tellement de ces misères spirituelles, causées par la misère temporelle du monde qu'à chaque erreur de pensée et d'action qu'on rencontre, on ne peut pas ne pas se demander si la faute n'en est pas à la pauvreté.
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Réciprocité de l'état des âmes et de l'état du monde.
De cela, que faut-il conclure ? Certes pas qu'il faille se limiter à réformer le monde temporel. Il ne faut pas davantage conclure qu'il faille se limiter à réformer le monde spirituel.
L'un et l'autre doivent se faire conjointement.
Les apôtres dans le domaine temporel ne seront sans doute pas les mêmes que les apôtres dans le domaine spirituel. Mais les uns ne doivent pas nuire aux autres. Pas même lorsqu'un résultat immédiat semblerait appeler certaines restrictions. C'est l'objectif final qui est la règle, la lumière, et s'il est bon, il ne réclame jamais le sacrifice de la moindre parcelle de vérité, où qu'elle se trouve.
Méditation profonde, et pleine de pensées fécondes, qui d'une part conduiraient certains réformateurs politiques et économiques à aller à confesse au plus vite, et d'autre part, inviteraient certains réformateurs d'Action Catholique à regarder avec moins de mépris les humbles mortels qui travaillent sur la matière.
Gilberte CÔTÉ