À l'application du Crédit Social, l'argent en circulation émis par les banques serait-il par le fait même détérioré ? altéré ? falsifié ? ou détruit ?
L'article “D'où la monnaie tire-t-elle sa valeur,” dans le présent numéro, explique que ce n'est pas la matière, la nature de l'argent qui en fait la valeur. Le Crédit Social n'introduira pas un nouveau matériel monétaire, et la monnaie qui est en circulation aujourd'hui ne sera ni détériorée, ni altérée, ni falsifiée par le fait de l'introduction d'un régime Crédit Social. C'est simplement la source, le rythme d'émission et le mode de mise en circulation qui seront changés pour toute nouvelle monnaie.
La monnaie actuelle sera-t-elle détruite ? Le numéraire, la monnaie matérielle continuera, sauf détérioration par l'usage, alors qu'on la remplacera, comme aujourd'hui. Quant à la monnaie scripturale, émise aujourd'hui par les banques, elle est, dès sa naissance, condamnée à mourir. Elle meurt par le remboursement du prêt bancaire ou le rachat des obligations. Quand s'installera le Crédit Social, il n'aura rien à toucher à ces transactions convenues entre le banquier et son emprunteur. La monnaie temporaire disparaîtra à mesure des échéances, et il n'en sera plus fait d'autre de cette manière. Le Crédit Social se chargera de l'émission de toute la monnaie nécessaire pour écouler la production. Il verra, dès l'époque de transition, à émettre toute la monnaie nécessaire pour alimenter le flot monétaire diminué par les retraits des crédits bancaires.
Personne ne souffrira du changement, ni le prêteur, qui aura droit à son remboursement ; ni l'emprunteur, qui trouvera même plus facile de faire honneur à ses obligations, parce qu'il pourra plus facilement vendre les fruits de son travail ; ni le public, parce que la cessation de création de monnaie par les banques sera plus que compensée par les émissions plus fécondes et mieux réparties du nouvel organisme.
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À l'avènement du nouveau système, un individu qui aura placé ses économies dans les banques actuelles se verra-t-il dépouillé de son avoir ?
Pas du tout. Au contraire, la fortune de l'épargnant sera mieux protégée, parce qu'il n'y aura plus de destruction des valeurs par des inflations et compressions de crédit. Des économies qui consistent en monnaie perdent beaucoup de leur valeur en temps d'inflation ; celles qui consistent en biens (maisons, etc.) perdent beaucoup de leur valeur en temps de déflation. Sous le Crédit Social, le maintien de l'équilibre entre la monnaie et les produits stabilisera les valeurs et les prix des biens.
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L'application de ce système centraliserait-elle le fédéral, le provincial et le municipal en un seul système.
Le Crédit Social, comme tel, n'a rien à voir avec l'administration, les modes de gouvernement, la répartition des pouvoirs. Mais pour une chose, le gouvernement fédéral sera plus vigoureux, le gouvernement provincial sera plus vigoureux et l'individu aussi sera plus vigoureux ; car on aura brisé les chaînes dont les maîtres actuels de la monnaie ont lié gouvernements comme individus.
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Comment le Crédit Social abolira-t-il les monopoles ?
Le Crédit Social est un système monétaire, dont les bienfaits rejaillissent certainement dans toutes les sphères de l'économie. Mais il reste tout de même aux gouvernements le soin de l'administration. Si un gouvernement juge qu'une institution nuit, il doit la corriger ou la faire disparaître. Ce lui sera très facile lorsqu'il sera dégagé de sa dépendance vis-à-vis des contrôleurs du crédit, qui sont justement les mêmes qui contrôlent les grosses industries.
Le Crédit Social ne s'inquiète pas tant de qui possède les moyens de production que de la distribution des produits. Dès lors que le consommateur possède le titre aux produits, importe-t-il tant qui a charge de la production ?
Qu'on ne prenne pas ceci comme un plaidoyer en faveur des monopoles industriels, mais simplement comme une mise au point. Il faut situer le Crédit Social dans son domaine. Ce n'est pas une étatisation de ceci ou de cela, mais un système monétaire sain qui permet la distribution efficace des produits. Le système producteur est une autre affaire et ne semble pas incapable de fournir les biens.
Sous un régime crédit social, vous coupez d'ailleurs la source d'alimentation des monopoles et il devient très facile de leur faire la concurrence si l'on n'est pas satisfait de leurs méthodes. L'industrie, qu'on ne l'oublie pas, n'y est plus financée par des octrois de crédit créé par ceux-là mêmes qui, à la faveur de ce pouvoir souverain, se sont emparés des industries ; mais par les achats et les épargnes des consommateurs eux-mêmes, auxquels va directement toute émission de nouvelle monnaie. Véritable démocratie économique remplaçant l'oligarchie financière qui nous pressure aujourd'hui.