Dans une paroisse très pauvre de la province de Québec, paroisse de colonisation. À St-Eugène, Lac St-Jean.
Après une assemblée du Crédit Social.
C'est le temps d'acheter un abonnement pour le journal VERS DEMAIN.
Un abonnement coûte un dollar par année. Tout ça !
Oh ! ce n'est pas payer cher les vérités que contient VERS DEMAIN.
Mais, un dollar, c'est énorme pour un gousset de colon.
"Quand on pense que ces jours-ci, le grand est revenu du bois avec $4.00 de dettes ! Il avait travaillé pendant un mois pour gagner $4.00... de dettes. $4.00 qu'il a fallu que moi, le père, je remette à la Compagnie de bois.
"C'est comme ça, de nos jours. Plus on travaille, plus on s'endette. C'est comme le pays ; plus on l'exploite, plus on grossit la dette publique.
"Ainsi, nous les bûcherons, lorsque nous allons au bois, c'est pour user nos pantalons, nos bottes et nos membres au service des trustards.
"Et même les trustards nous font payer pour les servir. Mais, oui, puisqu'ils nous vendent plus cher qu'ils nous payent. Ils nous en arrachent plus qu'ils nous en donnent.
"Ah ! avec le Crédit Social, on se ficherait bien des trusts. On aurait de l'argent pour acheter ce qu'ils fabriquent.
"Le Crédit Social, ce serait bien bon pour nous autres, les colons !
"Une piastre par année pour s'instruire sur le Crédit Social, pour s'abonner à VERS DEMAIN, le journal qui dit la vérité.
"Une piastre ! je n'en ai qu'une dans ma poche. C'est la dernière, celle-là.
"Est-ce que je peux la donner pour VERS DEMAIN ?
"C'est dur, se dépouiller comme ça !
"Oui, mais si j'attends après les riches pour me donner le Crédit Social, je ne l'aurai pas de sitôt. Ils sont bien eux autres. Ils n'ont pas besoin que ça change tout de suite.
"Une piastre ! Ma dernière piastre !
"Bon, je me décide... Ça y est, je suis décidé. Je la donne.
"C'est toujours pas si cher, une piastre par année pour instruire un pauvre diable comme moi !
"Et puis, j'aurai fait une bonne œuvre, puisque j'aurai contribué à donner la charité du Crédit Social à tous ceux qui, comme moi, sont dans la misère".
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Le sacrifice de la dernière piastre d'un colon ! On voit cela souvent chez nous.
Et dire qu'il se trouve encore des bourgeois, des gavés, des repus qui cherchent des raisons pour ne pas faire leur part ! Des riches qui se nourrissent le corps de bonne chair et de liqueurs fortes, qui se nourrissent l'esprit de folies de radios et de sensualités de cinéma, et qui attendent que les autres leur donnent la prospérité du pays, que les autres les préservent des révolutions, que les autres se fassent tuer pour eux.
C'est une honte, et c'est peut-être un augure de catastrophe. Prenons garde !
Gilberte CÔTÉ