Faut-il le dire au public ?

le dimanche, 01 novembre 1936. Dans Novembre

Lorsque je me rendais à Chicoutimi pour une série de causeries sur la monnaie et le crédit social, fin d'août, quelqu'un me dit, au cours d'une discussion sur la monnaie et le Crédit Social : "Ce sont là questions à traiter avec les économistes et les financiers. Croyez-vous qu'il soit bien opportun d'en parler aux foules ?"

Je prie le lecteur de croire que ma réponse ne se fit pas attendre.

La Constitution confie à l'État le pouvoir d'émettre la monnaie et d'en régler la valeur. Ce pouvoir souverain a été usurpé par un groupe de profiteurs et l'on ne voudrait pas que le peuple qui élit ses représentants ait rien à y voir !

Dans un autre article de ce numéro, il est montré qu'une puissance plus forte que les gouvernements assujettit ceux-ci dans tous les pays civilisés. Pourquoi ? Parce que le peuple ignore ; ignorant, il se contente de gémir quand il ne lèche pas la main qui le frappe. Les mandataires du peuple peuvent n'être pas ignorants, mais ils subissent la pression la plus immédiate et la plus forte, surtout si elle s'accompagne d'une récompense tangible. Puisque le public ne dit rien !

— Mais qu'est-ce que le grand public peut comprendre dans la question monétaire ?

— Pas grand'chose s'il doit se renseigner aux sources émanant des contrôleurs intéressés du système ou des économistes bien payés pour entretenir le mystère. Un système monétaire malhonnête, détourné de son but, manipulé par des profiteurs astucieux est en effet difficile à comprendre et c'est ce qui lui permet de tenir. Mais tout citoyen de mentalité ordinaire peut facilement comprendre un système monétaire honnête, expliqué honnêtement.

Seules les erreurs et les principes faux ont besoin de s'entourer de mystère pour se faire accepter.

Il faut ramener la monnaie à son rôle. Ce n'est pas une chose instituée pour la spéculation et l'enrichissement de quelques-uns aux dépens du grand nombre. C'est un service, un intermédiaire d'échange, qui doit fonctionner pour distribuer les produits du travail.

Lorsque, par une simple étude accessible à tous ceux qui savent lire, le grand public aura appris que l'accaparement du contrôle de la monnaie par un groupe irresponsable au peuple est la seule cause de la non distribution des biens ; lorsqu'on lui aura montré à l'œuvre les créateurs et les destructeurs de monnaie, la fabrication des chaînes qui l'asservissent et asservissent les gouvernants élus par lui, on constatera une action concertée, grandissante, enrôlant la masse des citoyens et réclamant vigoureusement et immédiatement l'expulsion des usurpateurs. Devant cette marée montante, indiguable parce qu'elle sera l'expression d'une démocratie éclairée et consciente, quelle force pourra résister ?

Passons donc les faits au public, et faisons-le en toute occasion. Il faut que le public se mêle de ses affaires, et comment peut-il s'en mêler s'il ne les connaît pas ? Si vous maintenez les foules dans l'ignorance, au lieu de saluer la marée montante d'une démocratie éclairée, vous devrez constater le bouillonnement d'un peuple vexé, irrité du non sens de la misère au sein de l'abondance, des "ventres creux en face des greniers pleins" ; vous crierez au communisme quand vous verrez s'agiter les masses exaspérées de subir un régime aussi stupide que criminel. Cette marée-là non plus, vous ne l'arrêterez pas. Au lieu du bon sens réclamant ses droits, vous aurez l'animal tuant pour manger et tuant pour se venger. Choisissez.

* * *

Objection : "Nous croyons que ce problème (Le Crédit Social) ne devrait pas être soumis au peuple avant que les économistes se soient prononcés." - E. Langis.

Réponse : Eugène l'Heureux dans l'Action Catholique 22 sept., en annonçant les Cahiers du Crédit Social, dit :

"Nous n'hésitons nullement à recommander l'étude attentive de ce système monétaire. Le temps est passé de permettre à la finance de faire seule l'éducation financière des peuples pour les exploiter plus aisément ensuite.

"Il faut que les citoyens apprennent à connaître le véritable rôle de la monnaie.

"Aussi longtemps que les financiers mèneront le monde, celui-ci ne sortira d'une crise que pour entrer dans une autre. C'est pourquoi le Crédit Social mérite d'être étudié." — Jean Gagnon.

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"La dette nationale est le crédit social capitalisé" au profit de quelques particuliers. (J. J. Harpell, "Moniteur" de novembre 1936.)

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