Pourquoi un catéchisme du Crédit Social ?
Pour apprendre ce système, d’une manière simple, pas trop fatigante.
Pourquoi étudier cette doctrine du Crédit Social ? Est-ce utile ?
Étudiez-la, si vous voulez, pour vous renseigner une bonne fois sur une chose dont on parle de plus en plus. Vous verrez ensuite que vous ne regretterez pas.
Mais on lit souvent dans les journaux que le Crédit Social est une utopie irréalisable ?
J’ai lu cela aussi. J’ai même demandé à des journalistes sur quoi ils fondaient leur critique. Ils m’ont avoué qu’ils ne connaissaient pas le premier mot du Crédit Social. Ils répétaient ce que d’autres avaient dit.
Alors, les journaux parlent de choses qu’ils ne connaissent pas ?
Bien souvent, surtout dans des sujets touchant à l’économie et à la finance, pour plusieurs raisons que vous apprendrez peu à peu. Mais passons outre pour le moment.
Quelqu’un m’a dit l’autre jour de me défier du Crédit Social, ajoutant que c’est une forme de socialisme : social, socialisme !
Cet homme ne connaît ni le Crédit Social ni son français. On a bien : œuvre sociale, justice sociale, etc. Il y a des mots qui ont la même racine mais signifient des choses bien différentes : communion, communisme ; libéral, libertin (sans malice politique, puisque je vous dis que ce sont des choses très différentes !
M’affirmez-vous que le Crédit Social n’est ni du socialisme, ni du communisme ?
Je vous l’affirme et vous en conviendrez quand vous l’aurez étudié. En attendant, si vous hésitez encore par scrupule, voici un extrait d’une brochure d’un religieux dominicain très distingué :
“Si vous ne voulez ni du socialisme ni du communisme, opposez-leur le Crédit Social. Il met entre vos mains une arme terrible contre ces ennemis.”
Qui a écrit cela ?
Le Révérend Père Lévesque, diplômé de l’École des Sciences Sociales et Politiques de Lille et professeur d’Économie politique au Collège Dominicain d’Ottawa.
Voilà une autorité sérieuse. Quand a-t-il écrit cela?
Cette année. Sa brochure est la reproduction de quatre articles de lui parus à intervalles dans “L’Action Catholique” de Québec.
Y a-t-il des journaux de Montréal qui ont reproduit ces articles ?
Aucun. Je ne crois même pas qu’un seul journal de Montréal les ait signalés ou y ait fait allusion.
Assez drôle. Ordinairement les journaux font écho au moins à une série d’articles écrit par un auteur de cette classe sur un sujet d’actualité !
Vous dites vrai : assez drôle, très drôle même ! Je parle quelquefois de la conspiration du silence : je serais tenté d’appliquer l’expression dans ce cas.
Quoi donc ? Expliquez-vous.
Croyez bien, mon ami, que les journaux ne se payent pas par la circulation, mais par l’annonce. Ils sont plus ou moins, quoi qu'ils affirment, sous l’influence de ceux qui les alimentent d’annonce ; les annonces viennent de l’industrie ; celle-ci est contrôlée par la finance. On trouve d’ailleurs des directeurs de banque dans les conseils d’administration des journaux.
En quoi le Crédit Social peut-il inquiéter ces puissances ?
Le Crédit Social est tellement plein de gros bon sens, tellement humain, tellement équitable pour le consommateur et le travailleur que, s’il vient à être connu, tout le monde le réclamera. Alors, ceux qui tiennent les rênes aujourd’hui et qui exploitent les masses craignent de voir venir la fin de leur règne. Leur mot d’ordre est : “Mort à ce nouveau-né le Crédit Social ! Si vous ne pouvez le réfuter victorieusement, n’en parlez pas. Une petite pointe de moquerie de temps en temps pour le ridiculiser ; à part cela, silence absolu !”
Ne cédez-vous pas à votre imagination en disant cela ?
Je constate des faits et je les interprète.
Le distingué religieux que vous citiez tout à l’heure approuverait-il cette déclaration ?
Je lis dans sa brochure (p. 23) :
“Défiez-vous d’eux (les journalistes qui défendent les intérêts confiés à leur plume), même lorsqu’ils abordent le Crédit Social sous son aspect économique. Les politiciens régnants pressentent dans ce nouveau mouvement une force politique qui monte et les menace ; les banquiers y voient l’ennemi acharné de leur monopole. Ne vous étonnez donc pas si leurs publicistes, d’un commun accord, entreprennent de réfuter sa doctrine ou de la ridiculiser : ce qui est beaucoup plus facile et demande moins d’intelligence.”
Est-ce que tous les journaux en sont là ?
Il y a des exceptions. “L’Action Catholique” de Québec ouvre ses colonnes aux pros et aux cos du Crédit Social ; elle est très généreuse pour annoncer les activités du Crédit Social. Je voudrais nommer d’autres grands journaux de notre province, mais je n’en connais pas.
Et vous dites que le Crédit Social serait réclamé si on le connaissait ?
C’est mon opinion, et c’est pourquoi j’ai cru que ces “Cahiers” multiplieraient les adhérents au Crédit Social en exposant clairement et simplement sa nature et ses propositions.
Encore faut-il qu’ils soient lus !
C’est là le point. Vous qui les connaissez, si vous les trouvez utiles, travaillez à les répandre. Ils combleront une lacune.
Comment cela ?
L’école, même dans les classes avancées, nous laisse ignorants en fait de questions économiques, de questions monétaires surtout, qui nous touchent pourtant de si près.
Et comment l’étude du Crédit Social peut-elle nous renseigner là-dessus ?
Parce que le Crédit Social est un système monétaire proposé pour remplacer le système monétaire actuel qui remplit mal son rôle.
Voilà encore une accusation !
Oui, mais bien méritée.
Assertion facile. Pouvez-vous prouver ?
Oui, par une simple considération du fonctionnement du système économique.
Qu’appelez-vous système économique ?
Le mécanisme qui gouverne la production et la distribution de la richesse d’une nation.
Et ce mécanisme tel que nous l’avons aujourd’hui ne fonctionne pas bien ?
La production, oui. Mais la distribution, non.
Expliquez cela un peu.
On peut dire que le système économique comprend trois systèmes subsidiaires : le système producteur, le système financier, le système consommateur. Il ne peut bien fonctionner si l’une de ces trois parties est malade.
Vous venez d’insinuer que le système producteur n’est pas défectueux ?
Il est superbe. L’homme a triomphé des difficultés de la production. Nous modérons et limitons la production aujourd’hui, faute de consommation, mais nous pourrions produire immensément plus et développer davantage encore, très facilement, notre capacité de production.
Puisque la consommation fait défaut, le mal est-il chez le consommateur ?
Le consommateur n’est pas en grève. Il déborde de désirs et même de besoins réels. Le consommateur canadien n’a jamais dit encore : Cessez de produire parce que je suis rassasié.
Alors le mal est entre les deux, entre le producteur qui ne demande qu’à fournir des produits et le consommateur qui réclame ces produits ?
Exactement. Le défaut est dans la distribution. Non pas au point de vue physique, car les moyens de transport ne font pas défaut, mais au point de vue financier. C’est la finance qui ne remplit pas son rôle. Producteurs et consommateurs sont là, mais il manque l’intermédiaire d’échange, la monnaie.
Et le manque de monnaie paralyse tout?
Absolument. Le consommateur sans monnaie n’achète pas. Le producteur qui ne vend pas arrête de produire. La production arrêtant, la monnaie ne passe pas au travailleur consommateur et le mal empire.
Il y a quelque chose de vicieux quelque part ?
Vicieux et vicié. La monnaie fut instituée, pour servir d’outil du commerce, d’intermédiaire d’échange. Mais elle est tombée sous le contrôle de quelques hommes privés qui la traitent comme une marchandise dont ils font le commerce en cherchant leur profit.
Qu’est-ce que le Crédit Social veut faire pour corriger cela ?
Le Crédit Social veut reprendre le contrôle de la monnaie des mains du monopole privé et le remettre où il appartient de droit, à la nation, à la société. Puis le Crédit Social veut mettre juste assez d’argent entre les mains des consommateurs pour acheter tous les produits dont ils ont besoin et que les producteurs sont capables de fournir.
Ce qui veut dire que plus on pourra produire de biens qui répondent aux désirs des consommateurs, plus il y aura de monnaie pour permettre à ces biens d’atteindre le consommateur ?
C’est cela même. Tout ce qui est matériellement possible doit l’être financièrement.
Mais est-ce une chose réalisable ?
Pourquoi pas ? Le système financier institué par l’homme doit être son serviteur, non son maître.
N’y a-t-il pas à craindre que les contrôleurs mettent la main sur la nouvelle monnaie que le Crédit Social veut mettre en circulation pour combler ce qui manque.
Ce serait à craindre si la création et rémission de monnaie se faisait comme aujourd’hui, mais le Crédit Social a une méthode toute différente, qui élimine du tableau les contrôleurs privés de la monnaie.
Montrez en quoi la méthode de création de la monnaie diffère.
Sous le système actuel, la monnaie est créée par des banquiers privés, en vue de leur profit personnel.
Sous le Crédit Social, la monnaie sera créée par le bureau, de Crédit National, selon les besoins du pouvoir d’achat de la nation par rapport à la production.
Et en quoi la méthode de distribution diffère-t-elle ?
Sous le système actuel, la monnaie créée par les banques n’entre en circulation que par voie de l’industrie. Le travailleur reçoit les gouttes, les capitalistes accaparent le flot.
Sous le Crédit Social, la nouvelle monnaie ira directement au consommateur ; ce sont les achats du consommateur qui financeront l’industrie.
Cela semble, en effet, un bon moyen de démolir la concentration de la richesse et la mainmise des trusts. Mais n’est-ce pas donner trop d’importance au consommateur ?
Tout le monde est consommateur. Donner la souveraineté au consommateur, c’est la donner à la nation, c’est la véritable démocratie. D’ailleurs, la production n’a-t-elle pas pour but la consommation ? Pourquoi les Dardanelles financières qui restreignent la distribution ?
Mais il faut des produits pour que le consommateur exerce son pouvoir d’achat ?
Certainement, et jamais il n’est question dans le Crédit Social de distribuer de la monnaie sans produits pour en répondre.
Comment donc se fait la distribution de monnaie nouvelle ?
De deux manières : 1° Par un escompte national de détail, qui s’applique à tous les produits achetés par le consommateur ultime ; cet escompte, compensé entre les mains du marchand par la création de nouvelle monnaie, représente une augmentation de pouvoir d’achat du consommateur. 2° Par un dividende distribué directement au consommateur, donc à tous les citoyens.
Qu’est-ce qui règle le montant de l’escompte et du dividende ?
L’excédent de la capacité de production sur la capacité d’achat.
Voilà qui ouvre de vastes horizons, mais devient un peu technique.
Oui et ces horizons s’élargiront encore, en même temps que vous saisirez mieux la technique du Crédit Social, à mesure que nous avancerons dans cette étude.
Une foule de questions surgissent dans mon esprit : Ne va-t-il pas y avoir inflation ? Abus de Monnaie ? Ne dit-on pas dans des livres d’économie fort vénérés que toute production libère assez de pouvoir d’achat pour permettre l’écoulement du produit ?
Je répondrai à ces questions et à bien d’autres au cours des chapitres qui suivront. N’oubliez pas que nous en sommes aux notions préliminaires.
Avant d’aller plus loin, repassez cette introduction et ne manquez pas le prochain numéro des “Cahiers.”
(À suivre)
Le “Catéchisme du Crédit Social” forme une des séries que nous continuerons de mois en mois. Une autre sera inaugurée dans le second numéro, intitulée “Sous la lentille du Crédit Social” ; ce titre indique assez en quoi elle consistera. Nous prions nos lecteurs de nous adresser les découpures de journaux ou de revues qui parlent du Crédit Social, en bien ou en mal. Libre aussi aux lecteurs des Cahiers de poser des questions sur certains points traités qui leur paraissent obscurs ; il en naîtra la rubrique “Questions et Réponses.”