À la plage

le jeudi, 15 août 1940. Dans Divers

À la plage, on se baigne. C'est bon. Il est permis de se laver dans la rivière.

À la plage, on s'expose au soleil. C'est bon. On a le droit d'absorber les rayons bienfaisants.

Voilà des exercices physiques et hygiéniques qui font certainement partie d'une bonne tenue pour le corps. Et des civilisés peuvent s'y adonner.

Mais, là où on ne comprend plus la civilisation, c'est lorsqu'elle permet, et favorise même de toutes façons, que ces exercices se déroulent en compagnie. Mais, oui, il est de très bonne société de se promener en présence d'hommes et de femmes connus ou inconnus dans un costume réduit à sa plus simple expression. Il relève d'un goût très élégant d'exposer le plus possible de chair humaine aux regards admiratifs des artistes de la matière.

Aussi, nos plages sont-elles couvertes de troupeaux (littéralement) humains, véritables ramassis de corps sans esprit, de passions charnelles.

Mais, où donc a-t-on la tête ? Qu'on pratique ou seulement tolère ces expositions, à quoi pense-t-on ?

Est-on si naif pour croire à l'insignifiance de la suggestion de la chair dans notre monde qui est encore attaché à la matière par toute sa vie : travail de six jours par semaine appliqué à la seule conservation du corps : prière une demi-heure par semaine, faite dans le seul but de continuer une tradition. De pensée, point. De contemplation mystique, encore moins. Et c'est à ces animaux-là qu'on ne craint pas de servir à satiété de quoi satisfaire leurs sens.

Ou bien, est-on si vicieux qu'on dirige sciemment les hommes vers l'asservissement de la raison au corps ?

Si c'est la naïveté qui domine, on se classe parmi les snobs, et on a besoin de leçon de personnalité données justement par l'exemple de ceux qui ne craignent pas de se singulariser en faisant le bien.

Si c'est le vice qui domine, on se classe parmi les maudits. Avis aux hommes d'ordre. Qu'ils n'oublient pas que "le monde n'ira bien que lorsque les bons prendront autant de place sur la terre que les méchants."

Mettre le vice à l'ombre, lui enlever toute popularité, c'est commencer à l'écraser et à lui couper les ailes. Ne craignons pas d'employer tous les moyens à notre disposition pour agir dans ce sens.

MARIE

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