Échantillon de philosophie bancaire

Louis Even le mercredi, 15 janvier 1941. Dans Banques

Voici la traduction du texte complet d'un article paru dans la revue des banquiers des États-Unis, United States Bankers' Magazine, en 1892. Il fut reproduit récemment dans le New Era, puis dans le Social Crediter, où nous le puisons :

"Il nous faut procéder avec précaution et consolider chaque position acquise, parce que déjà les couches inférieures du peuple donnent des signes d'agitation incessante.

"La prudence nous dicte donc une ligne de conduite qui ait l'air de céder à la volonté populaire, jusqu'à ce que l'exécution de nos plans soit assez avancée pour pouvoir déclarer nos desseins sans avoir à craindre une résistance organisée.

"Nos hommes de confiance devront surveiller de près l'Alliance des Fermiers et les Chevaliers du Travail et prendre des mesures immédiates, soit pour contrôler ces deux associations selon nos intérêts, soit pour les briser.

"Nos hommes devront assister à la Convention qui sera tenue à Omaha le 4 juillet et en diriger tous les mouvements. Autrement, cette convention pourrait mettre sur pied un tel antagonisme à nos desseins qu'il faudrait peut-être recourir à la force pour en venir à bout.

"Or, à l'heure actuelle, l'emploi de la violence serait prématuré. Nous ne sommes pas encore prêts à affronter de telles extrémités. L'argent doit d'abord chercher le maximum de protection dans des combinaisons et dans la législation.

"Servons-nous de l'aide des tribunaux. Procédons le plus rapidement possible à percevoir les dettes, à forclore les obligations et les hypothèques.

"Lorsque, par l'entremise de la loi, le peuple ordinaire aura perdu ses maisons, il sera plus traitable et plus facile à gouverner, il ne pourra résister à la main forte d'un gouvernement agissant d'après les ordres du pouvoir central de la richesse impériale, sous le contrôle des chefs de la finance.

"Nos têtes dirigeantes sont parfaitement au courant de la vérité. Elles travaillent actuellement à former un impérialisme du capital pour gouverner le monde. Mais pendant qu'elles opèrent ainsi, il faut tenir le peuple occupé dans des antagonismes politiques.

"On pressera donc la question de la réforme du tarif par l'organisation politique appelée Parti Démocrate ; et on mettra en vedette la question de la protection et de la réciprocité par le Parti Républicain.

"En divisant ainsi les électeurs, on peut les faire dépenser leurs énergies à lutter entre eux sur des questions qui, pour nous, n'ont aucune importance et auxquelles nous ne touchons que comme instructeurs du troupeau commun.

"C'est ainsi que, par des actes discrets, nous pouvons assurer ce qui fut si généreusement projeté et exécuté avec un si remarquable succès."

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Inutile de faire des commentaires sur un texte qui parle de lui-même. Notons seulement la date : 1892. Une année avant la crise de 1893. Nous possédons maintenant trois documents relatifs à cette crise de 1893 :

1. Le document de 1891, circulaire confidentielle des banquiers, encourageant les hypothèques sur les propriétés, en prévision de la crise que les banquiers déclancheraient un peu plus tard pour saisir toutes les propriétés gagées. Voici, d'ailleurs, ce texte :

"Nous autorisons nos agents de prêts des États de l'Ouest à prêter sur immeubles, argent remboursable le 1er septembre 1894, aucune échéance ne devant dépasser cette date.

"Le 1er septembre 1894, nous refuserons catégoriquement tout renouvellement de prêts. Ce jour-là, nous exigerons le remboursement de notre argent, sous peine de saisie des biens gagés.

"Les propriétés hypothéquées deviendront nôtres (l'argent aura été raréfié préalablement et les remboursements seront devenus généralement impossibles). Nous pourrons ainsi acquérir, aux prix qu'il nous plaira, les deux tiers des fermes à l'ouest du Mississipi et des milliers d'autres à l'est de ce grand fleuve.

"Nous pourrons même posséder les trois quarts des fermes de l'ouest en même temps que tout l'argent du pays. Les cultivateurs ne seront plus alors que des locataires, comme en Angleterre."

2. Le document traduit ci-dessus, de 1892, dans lequel les banquiers exposent leur philosophie.

3. La circulaire du 11 mars 1893, appelée depuis Circulaire de la panique, adressée par l'Association des Banquiers Américains à toutes les National Banks des États-Unis :

"Les intérêts des banques exigent une législation financière immédiate de la part du Congrès.

"Il faut que les pièces d'argent, les certificats-argent et les billets du Trésor (c'est-à-dire toute la monnaie du gouvernement) soit retirée de la circulation et que nos billets de banque, sur base d'or, soient rendus seule monnaie légale.

"Cela exigera l'autorisation de nouvelles débentures (dettes) de 500 millions à un milliard comme base de la circulation.

"Vous retirerez donc immédiatement un tiers de vos billets en circulation et vous rappellerez la moitié de vos prêts en cours. Ayez soin de faire sentir la pénurie d'argent à vos clients, particulièrement aux hommes d'affaires.

"Préconisez une session extraordinaire du Congrès pour rappeler la clause d'achat de la loi Sherman. Agissez de concert avec les autres banques de votre ville, pour faire signer par le public une pétition monstre au Congrès en faveur du rappel sans condition, d'après la formule ci-annexée.

"Servez-vous de votre influence personnelle auprès de votre député, et surtout exprimez nettement vos désirs à vos sénateurs.

"L'avenir des banques exige une action immédiate, parce qu'il existe une tendance marquée en faveur des pièces d'argent et du papier-monnaie légal émis par le gouvernement."

L'Association bien organisée des banquiers gagna la partie contre un public ignorant et organisé seulement pour les luttes politiques de couleurs. Une session spéciale du Congrès fut convoquée expressément pour démolir la confiance grandissante du peuple envers la monnaie gouvernementale.

Pour obliger peuple et gouvernants à s'agenouiller devant les banques, il fallait créer une extrême rareté de l'argent. On la fit sentir dans toute l'Amérique. Ce fut la crise qu'on appela la panique de 1893. Montée dans les bureaux des faiseurs et destructeurs d'argent, cette crise sema des ruines et des douleurs dans tous les coins du pays.

Louis Even

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