Voici des extraits d'un article intitulé "The banker and the debtor" (Le banquier et le créancier) écrit il y a quelques années par John H. Hoston, alors professeur d'économie à l'Université de Waterloo (en Ontario) et maintenant directeur du COMER (Comité sur une réforme économique et monétaire). La traduction est de Vers Demain :
Les média d'information se font l'écho, ces jours-ci, des voix des banquiers canadiens qui nous donnent de "sains" conseils, du genre qu'ils ne suivent jamais eux-mêmes. Nous sommes trop endettés, disent-ils ; nous devons réduire nos dépenses maintenant, et continuer sur cette voie. (.....)
La dette totale du Canada à la fin de 1987 atteignait 1000 milliards $, ou 41 000 $ pour chaque homme, femme ou enfant de notre pays. Durant les dernières dix années, la dette totale avait augmenté 30 pour cent plus rapidement que le revenu national, et nous ne pouvons soutenir ce niveau, dit-il. (Note : en 1995, cette dette totale dépasse les 2000 milliards).
De la dette totale du Canada, seulement un quart est dû par le gouvernement fédéral. La dette totale de 1000 milliards $ inclut la dette de 254 milliards $ du gouvernement fédéral, 230 milliards $ des gouvernements provinciaux et municipaux, 300 milliards $ des consommateurs, et 240 milliards $ des compagnies. (...)
Un banquier avertissant le public des maux de la dette est un peu comme une prostituée avertissant ses clients des dangers de la prostitution. Après tout, de qui empruntons-nous tout cet argent ? Si la Banque Royale pense que nous empruntons plus que ce qui est bien pour nous, pourquoi accepte-t-elle de nous prêter autant d'argent ? Et pourquoi M. Taylor a-t-il approuvé une augmentation de 47 pour cent du nombre des succursales de la Banque Royale en 1988 ? Parce qu'en agissant ainsi, sa banque fut capable d'obtenir des profits records de 712 millions $ l'an passé. (Et en 1994, les profits de la Banque Royale ont dépassé pour la première fois le milliard de dollars.)
Maintenant qu'Allan Taylor (le président de la Banque Royale) nous a mis en garde contre nos mauvais penchants, va-t-il quitter son emploi bien rémunéré, et comme une Marie-Madeleine repentante, passer le reste de sa vie à amener les pécheurs sur les chemins de la vertu ? Si oui, il a du pain sur la planche !
Les banques ont arrangé les choses de telle sorte que tout l'argent que vous, moi, et le gouvernement ont a été emprunté d'eux, et disparaît lorsque vous, moi, et le gouvernement le remboursent. L'argent réapparaît en circulation seulement si quelqu'un emprunte de nouveau, et ainsi la masse monétaire (la quantité d'argent en circulation) ne peut augmenter que si vous, moi, et le gouvernement s'endettent de plus en plus envers les banques.
De plus, les banques ont arrangé les choses de telle sorte qu'il est impossible pour la société de se sortir de cette dette envers eux. Si nous considérons la masse monétaire dans sa définition la plus restreinte, ce que les économistes appellent M1 (les pièces et billets de banque en circulation hors des banques et les dépôts à
vue dans les banques à charte), il existe moins de 4 pour cent "d'argent" pour chaque dollar de dette ! Si nous considérons M2 (M1 plus les dépôts à terme et comptes d'épargne), il existe seulement 18 cents d'argent pour chaque dollar de dette. Il y a moins de 250 milliards $ de M3 (la définition la plus large de la masse monétaire) au Canada, comparativement à 1000 milliards $ de dette, soit moins de 25 cents pour chaque dollar de dette. Si on suivait le conseil des banques de couper nos dépenses, rembourser nos dettes, et refuser de contracter de nouvelles dettes, l'économie s'écroulerait. (...)
Il est vrai que le gouvernement du Canada ne devrait pas emprunter d'argent de la Banque Royale, ni d'aucune autre banque privée. Le Canada se porterait infiniment mieux, et la crise de la dette n'existerait même pas, si le gouvernement créait tout l'argent du pays, sans intérêt et sans dette. (...) La crise actuelle est due au fait que la Banque du Canada a créé trop peu d'argent (moins de 8% de M3) tout en permettant aux banques privées de créer trop d'argent à des taux d'intérêt élevés. Pour un gouvernement souverain, emprunter d'une banque privée est aussi immoral que pour un homme de négliger sa femme et ses enfants et dépenser tout son argent avec des prostituées. (...)
Quoique la profession bancaire soit de beaucoup plus récente que "le plus vieux métier du monde", il y a de bonnes raisons pour lesquelles les banquiers et les prostituées ont toujours eu historiquement une très mauvaise réputation. Dans la Bible, le livre du Lévitique et d'Ezéchiel sont très explicites en condamnant à la mort et l'enfer ceux qui prêtent l'argent à intérêt. (...)
Nous avons permis aux banquiers de remplacer le gouvernement comme source de l'argent. (...) Et nous leur avons permis de contrôler le gouvernement et de bloquer les réformes nécessaires pour la bonne marche de l'économie mondiale. Voilà l'une des plus grandes folies des temps modernes.
John H. Hotson