M. Eccles est le gouverneur du Conseil de la Federal Reserve Board aux États-Unis, comme M. Graham Towers est gouverneur de notre Banque du Canada.
Les deux positions sont analogues.
Aux États-Unis, la Federal Reserve Board conduit la politique monétaire de la nation ; tout comme au Canada, la Banque du Canada trace la politique monétaire du Canada.
Plaidant devant le Congrès de Washington pour l'adoption de la Loi de la Banque de 1935, Eccles disait :
La Commission (Board) ne sera pas contrôlée par le gouvernement. La Commission recevra plus de pouvoir. Ce que j'appuie, ce n'est pas du tout une banque centrale sous le contrôle de l'État. Ce que je préconise, c'est un corps central, chargé de la responsabilité du contrôle de l'argent, dans l'intérêt public.
Voit-on : l'intérêt public confié à une commission de banquiers qui échappe au contrôle du gouvernement, du gardien de l'intérêt public !
C'est exactement ce qu'on a au Canada. Le gouvernement est propriétaire de la Banque du Canada, mais ce n'est pas lui qui dicte l'objectif, la ligne de conduite à la Banque. Écoutez le ministre des Finances du Canada, M. Ilsley :
"Je ne suis pas d'avis que nous devions traiter de la politique ou de la régie interne de la Banque du Canada... La Banque du Canada ne dépend pas du ministère des Finances et par conséquent elle ne relève pas de la Chambre.
"...L'État possède le capital-actions et il nomme les administrateurs ; mais une fois les administrateurs nommés, je n'ai pas le droit et le gouvernement non plus, de dicter à la Banque du Canada la ligne de conduite qu'elle doit suivre." (Débats de la Chambre des Communes, 2 juin 1941 page 3725.)
Qui donc dicte à la Banque du Canada la ligne de conduite à suivre ? La politique "de la restriction et de la compression, la politique de misère... que prêche quelquefois le groupe de M. Towers, le fonctionnaire payé $30,000 par année qui nous donne ce conseil. Ne dépensez pas ; serrez la ceinture." (Pouliot, idem, page 3730.)
Que sert de posséder une chose que vous ne commandez pas ? Que sert d'avoir un cheval qui n'obéit pas, auquel on ne demande pas d'obéir, qu'on laisse dicter des restrictions à la ferme, alors que le cultivateur, une fois le cheval payé, n'a rien à dire, rien à exiger de lui ?
Et ces grands hommes, ces grands financiers conduisent si bien le monde que tout est à l'envers. Eux-mêmes sont forcés de reconnaître leurs bêtises.
Écoutez encore Eccles. Après que des milliers d'institutions eurent dû fermer faute d'argent ; après que des millions d'hommes eussent été mis dans le chemin pour le reste de leurs jours et le pays dans le marasme, il dit :
"Nous avons finalement reconnu qu'il n'y a pas besoin de papier éligible, ni d'or, ni même de débentures du gouvernement pour endosser notre argent. » (Témoignages devant le Comité de la Banque et du Numéraire, H.R. 5357, 1935, page 194.)
Un peu tard, avouons-le. La banque tient entre ses mains le contrôle de l'instrument qui fait mouvoir les biens. Eccles lui-même nous le dit :
"Les trois pouvoirs de contrôle monétaire — les opérations du marché libre, le taux de l'escompte, les exigences de réserve — placent entre les mains de la Federal Reserve Board le pouvoir de contrôler l'inflation. Et ils placent aussi entre ses mains le pouvoir d'empêcher la déflation (la crise)."
Il disait cela en 1935. Depuis ce temps, tout a-t-il été bien contrôlé chez nos voisins et chez nous, pour empêcher la déflation, pour alimenter un flot suffisant et constant d'argent ? Mais la Federal Reserve Board comme notre Banque du Canada n'ont aucun compte à rendre au peuple ou aux représentants du peuple, ni au parlement ni au gouvernement !
Démocratie ou bancocratie ? La réponse est dans cette parole historique de M. Mackenzie King (en 1935) :
"Tant que le contrôle de l'émission de la monnaie et du crédit n'aura pas été restitué au gouvernement et reconnu comme son devoir le plus remarquable et le plus sacré, il est oiseux et futile de parler de souveraineté du parlement et de démocratie. »