Relations créditistes - 1

Gilberte Côté-Mercier le mardi, 15 avril 1941. Dans Autres, Réflexions

Crédit Social à Rouyn

Rouyn, et sa ville-sœur Noranda, n'existaient pas sur la carte, il y a un quart de siècle. C'est une production subite du développement minier dans le nord. Aujourd'hui, Rouyn et Noranda comptent près de 2,000 familles canadiennes-françaises.

Rouyn s'est éveillée au Crédit Social lors du passage de M. Even dans cette ville du Témiscamingue, après sa randonnée en Abitibi en septembre dernier. L'étude du Crédit Social y est aujourd'hui à l'honneur, "à la mode" même, écrit le journal local. Les réunions d'étude groupent périodiquement plus de 150 personnes chaque fois. Des apôtres s'y entraînent pour déborder sur tout le Témiscamingue à l'été.

Rouyn compte actuellement 91 abonnés à Vers Demain.

Nous cueillons, dans La Frontière, hebdomadaire publié à Rouyn, le passage suivant de la Lettre à Procule :

C'est effrayant, Procule, ce que les gens ont une démangeaison d'étudier depuis quelque temps... Et les voilà maintenant qui veulent non seulement apprendre à mieux employer les quelques dollars qui leur passent par les mains, mais aussi à remonter à la source des dollars et voir s'il n'y aurait pas moyen d'en avoir plus. Et c'est de cette curiosité bien légitime que vient de naître le cercle d'étude du Crédit Social.

Tu parles, Procule, ces gens-là font des salles archi-combles pour étudier le Crédit Social ! De quoi se mêlent-ils donc, grands dieux ? Le Crédit Social n'a-t-il pas été condamné par les banquiers, les rouges, les bleus, les cailles, et aussi par un grand nombre d'ignorants ? Moi, les créditistes, je considère que ce sont des utopistes ; il faut bien avouer aussi que je suis bien mal placé pour le juger, car j'ai toujours pris mes informations dans la grosse presse, la grande dispensatrice des lumières tamisées.

Quand j'ai vu l'enthousiasme de nos nouveaux utopistes, l'autre jour, j'ai été pris d'un doute et je m'en fus consulter un vieux créchard. "Le Crédit Social, me dit-il, je ne comprends pas ça et vous pouvez être sûr, monsieur, que c'est bon à rien !" Je convins en effet que puisqu'il ne connaissait pas ça c'était un signe évident que c'était bon à rien.

Mais en sortant de là, je rencontrai un colon.

— "Que pensez-vous du Crédit Social, monsieur X.., lui demandai-je.

— J'vas vous dire franchement, j'suis pas bien instruit, mais j'aurais confiance à ça, moé, un système qui sortirait ma famille de la misère noire.

— Croyez-vous que le Crédit Social...

— Ben, j'vas vous dire comme on dit, y a toujours pas grand risque à prendre !"

Je convins qu'en effet, il n'y avait pas grand risque à prendre.

Encore un utopiste, Procule ! Si ça continue, il y en aura tellement que ce ne sera plus une utopie tout à l'heure, cette doctrine-là, mais une réalité. Si j'étais financier, je crois que je commencerais à m'éponger le dessous des bras.

Je lisais l'autre jour que du temps de Louis XIV, un savant avait tracé tout un système financier qui eût permis à son souverain de poursuivre ses guerres sans trop pressurer son peuple, qui en avait déjà plein le dos. On ne l'a pas cru ; que veux-tu, c'était un utopiste ! Et l'on continua de préparer tout doucement la Révolution Française. Ce serait vraiment drôle si ce n'était pas si tragique !

Ne va pas t'imaginer, Procule, que je suis créditiste... ou que je ne le suis pas. Je ne sais pas moi-même, mais, utopie ou non, je t'assure bien que j'irai étudier avec les autres, et ce sera à moi de juger si c'a du bon sens oui ou non.

En tout cas, les citoyens de Rouyn se mettent à étudier : c'est de bon augure pour l'après-guerre. S'il n'en sort que du vent, ma foi, ce sera toujours un vent d'espoir, et l'espoir, il y a dix ans que des milliers de Canadiens ne vivent que de ça !

ALMANZAR

La Frontière, 20 mars.


D'un pauvre

Je suis pauvre, et je me contentais de lire Vers Demain de temps à autre quand quelqu'un m'en passait un numéro. Je le trouvais de plus en plus intéressant, malgré que je manquais des numéros. Tout à coup, je me suis dit : Je n'en manquerai plus des Vers Demain, je vais prendre un abonnement d'un an.

Depuis, j'ai hâte d'un numéro à l'autre. Et malgré que je suis bien pauvre, quand même quelqu'un m'offrirait $3.00 pour que je me désabonne, je lui répondrais : On n'est jamais assez pauvre pour ne pas donner une piastre pour Vers Demain ; car à venir jusqu'à présent, personne de pauvre n'a retiré autant de profit net pour une piastre. Du moment qu'une personne sait lire, faut qu'elle comprenne malgré elle...

E. L., Asbestos.


Un problème embêtant

Un cultivateur de Gaspésie disait à son député :

"Monsieur le député, j'avais chez moi une vache, et elle mangeait chaque mois une poche de moulée. J'ai acheté deux autres vaches, et elles mangent en tout trois poches de moulée par mois. Or, je voudrais maintenant avoir sept autres vaches, ce qui ferait dix en tout. Combien mangeraient-elles de poches de moulée par mois ?"

Le député répondit :

"Si. chaque vache réclame une poche de moulée par mois, les dix vaches prendront dix poches. C'est normal."

Et le cultivateur de reprendre :

"J'avais un enfant, et je gagnais deux dollars par jour pour mon travail. J'ai eu trois enfants, et je gagnais encore deux dollars par jour. J'ai maintenant dix enfants, et je gagne encore deux dollars par jour. Est-ce que c'est normal, ça, monsieur le député ?"

Et le député de changer le sujet de la discussion.


Les Canadiens chez eux ?

Pour respecter la discrétion à laquelle tient le correspondant, nous ne mentionnons ni personnes ni lieu, mais lisez :

"Le moindre faux pas, la moindre parole lâchée mal à propos, serait de nature à nous nuire mortellement au point de vue commerce, et nous ne pouvons absolument rien faire de plus que garder nos convictions pour nous-mêmes...

"L'opinion publique est menée ici par notre opposition, un Juif. Il est adoré ici, et nous nous ferions un tort considérable en le combattant publiquement."

Pas en Palestine, au Canada !


Aux aspirants conférenciers

Vous venez de finir un exposé du Crédit Social.

Vous vous préparez à solliciter les abonnements, car si vous ne recrutez pas des abonnés, vous savez que votre soirée est perdue. Mais, voilà que quelqu'un vous demande s'il lui est permis de vous poser une question.

Que devez-vous faire ? La réponse est très simple et très claire : ne pas admettre du tout, pour aucune considération, les questions. Vous répondez à votre interlocuteur, que vous serez prêt à lui répondre lorsque vous aurez fini de faire le recrutement, et qu'alors, s'il s'est lui-même abonné, vous lui répondrez avec plaisir, s'il vient vous voir en tête-à-tête.

Cette règle doit être la nôtre à tous.

Voici pourquoi :

Il arrive le plus souvent que ceux qui posent des questions sont mal intentionnés. S'ils sont partisans de partis politiques, ils veulent vous confondre. S'ils sont instruits à l'école de l'économie orthodoxe, ou tout simplement orgueilleux, ils veulent se montrer plus fins que vous. Dans les deux cas, vous ne réussirez jamais à les convaincre. Ce sont des "sourds qui ne veulent pas entendre". Notre-Seigneur ne leur parlait jamais. Si donc, vous les forcez à s'abonner avant de consentir à leur parler, comme les gens mal intentionnés ne veulent jamais s'abonner, vous vous en débarrassez.

Si ceux qui posent des questions sont sincères, s'ils veulent vraiment se renseigner, ils ne peuvent prétendre y arriver sans avoir lu. On ne peut comprendre le Crédit Social par le seul exposé dans une conférence. Il faut lire et réfléchir. Il est certain qu'après un petit exposé d'une heure, plusieurs objections se lèvent dans un esprit qui se rencontre pour la première fois avec des idées nouvelles. Il n'y a que la méditation qui puisse lui redonner son équilibre. Il faut à tout prix empêcher les hommes de prendre une attitude opposée avant d'avoir tout pesé, car s'ils prennent cette attitude, ils mettront beaucoup de temps à changer : par orgueil, ils voudront défendre leurs positions.

Celui qui, insuffisamment renseigné, pose des objections, se fait du tort à lui-même de cette façon, et il en fait aux autres qui l'écoutent, parce qu'eux aussi sont insuffisamment renseignés et, à cette étape, sont prêts à se laisser influencer pour n'importe quelle solution.

C'est pour cela qu'une conférence qui n'est pas suivie d'abonnements ne vaut rien. C'est le journal qui fera pénétrer la doctrine d'une manière sûre et profonde.

Supposons même que tous les auditeurs sont sincères, qu'aucun n'a de préjugés ni d'orgueil, et qu'ils sont capables de tout saisir en une fois, ce qui ne se réalise jamais ; même alors, le conférencier ne doit pas se soumettre aux questions, parce qu'il n'est pas toujours assez préparé. Cela ne prouve pas que le Crédit Social n'est pas bon, pas plus qu'un prêtre de la religion catholique qui ne peut répondre à une question nous fait conclure que notre religion n'est pas bonne. On n'est pas tous grand théologien. De même, on n'est pas tous grand économiste. Il ne faut pas demander à tous nos conférenciers d'être docteurs en la matière. Ce sont plutôt des catéchistes, qui viennent exposer ce qu'ils savent et inviter leurs frères à s'abonner à Vers Demain pour se renseigner davantage.

Gilberte Côté-Mercier

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.