À genoux devant le capital argent, la société actuelle n'a que faire du capital humain, surtout lorsqu'il est capital humain tout court.
Le cas suivant est tiré des journaux du 10 avril :
Une famille résidait à Magog depuis un an et demi lorsque, incapable de faire vivre sa famille avec son gain trop faible, le mari alla se trouver de l'ouvrage à Drummondville. Après cinq mois de résidence à Drummondville, sans plus de succès, la famille se transporta à Valleyfield — où des industries de guerre attirent des étrangers. Le mari, qui, paraît-il, se permettait parfois de noyer ses soucis dans la bière, fut arrêté et condamné à la prison pour refus de pourvoir.
La famille restait sans soutien. La municipalité de Valleyfield, apprenant qu'elle venait de Drummondville, donna à la mère un billet de chemin de fer à destination de Drummondville. À la station de Drummondville, le chef de police de l'endroit reçut la famille avec un autre billet de chemin de fer pour Magog.
À Magog, le maire et le secrétaire de la municipalité décidèrent de s'en débarrasser en l'expédiant à Sherbrooke où réside le père de la femme. Or le père est un chômeur sans revenu. La femme est allée voir le juge Lemay. Ni elle ni ses enfants n'avaient mangé depuis deux jours et ils avaient couché sur le plancher la nuit précédente.
"Afin de faire cesser la partie de ballon que jouaient les municipalités avec cette malheureuse famille, le juge l'a envoyée à l'Hospice du Sacré-Cœur en attendant qu'une décision soit prise."
Chasse-t-on ainsi de place en place le capital bétail ?
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Un curé nous disait la semaine dernière :
Dans ma paroisse, la moitié des enfants ne vont pas à l'école, parce que les parents n'ont pas de quoi les habiller. Ils sont d'ailleurs trop mal nourris pour faire des études. Trop mal couchés aussi pour se reposer. Des familles de huit, dix, douze sont entassées dans des pièces uniques. Les enfants couchent à terre, sur des poches.
Pas de lit, pas de nourriture, pas de vêtements au Canada ? Oui, mais pas d'argent, donc pas le droit de prendre ces choses pourtant faites pour les Canadiens.
Lequel des ministres de Québec est tourmenté ce soir, en se couchant, à la pensée que, pas loin des bureaux d'où il participe à la conduite de la province, des enfants de ses compatriotes couchent à terre et souffrent de la faim ?
Le curé en question ajoutait :
Moi, je suis pour le Crédit Social, parce que le Crédit Social veut venir au secours des pauvres, il veut leur distribuer l'abondance qui se perd, qu'on détruit ou qu'on ne fait pas.
Lequel des ministres de Québec aime assez les pauvres pour vouloir le Crédit Social ?