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Désordre et redressement (Causerie de L. Even)

Louis Even le mercredi, 01 février 1939. Dans Février

• 1. L'abondance est-elle possible ?

Nous avons les hommes, les cerveaux, les machines et la matière première pour produire les nécessités de la vie et plus que les nécessités en abondance pour tout le monde. Le Canada peut produire facilement quatre fois autant qu'il le fait. Plus de 200,000 chômeurs enregistrés ; un bien plus grand nombre non enregistrés ; une foule d'occupations parasitaires, une armée d'individus employés à des services qui ne seraient pas nécessaires si la production s'écoulait librement. Tout cela prouve l'abondance immédiatement possible. Et combien de développements se feraient sans les entraves financières ? Combien de milliers d'acres de terre arable restent non cultivés ou sont cultivés selon des méthodes désuètes, faute de moyens financiers !

• 2. La distribution de l'abondance est-elle nécessaire ?

A-t-on besoin de cette abondance, ou le consommateur est-il saturé de biens ? Qu'on le demande à la femme qui doit préparer la table, habiller les membres de sa famille, soigner et faire soigner ceux qui sont malades, procurer une instruction à ses enfants. Dans combien de maisons ne pourriez-vous pas immédiatement introduire pour 2000 dollars de meubles et de vêtements sans donner dans l'extravagance ? Il existe une demande pour la production qui ne se vend pas et pour celle qui ne se fait pas faute de commande solvable. La demande existe, mais ineffective, faute du titre à la production, l'argent.

La fin de la production est la consommation, et une nation doit pouvoir consommer tout ce qu'elle est capable de produire (ou l'équivalent de la partie de sa production qu'elle exporte). La limite logique ne peut être que le maximum de la capacité de production ou la satiété du. consommateur. Dans ce dernier cas, le résultat serait l'augmentation des loisirs, des activités libres.

• 3. Le système financier fonctionne-t-il ?

Le but du système économique dans son ensemble est de produire et livrer les biens pour la satisfaction des besoins des consommateurs. Le système n'atteint pas actuellement sa fin, puisque les besoins sont loin d'être satisfaits. La faute n'en est pas à la production, puisque l'agriculture et l'industrie peuvent fournir l'abondance. La distribution fait défaut, non pas dans la partie capacité de transport, mais dans la partie financière.

Le but d'un système financier sain ne peut être que de permettre la distribution des biens et services tant qu'il y a possibilité de les produire et qu'il existe des consommateurs pour les absorber. Pourquoi le système financier actuel n'atteint-il pas cette fin, sinon parce que ceux qui le gèrent poursuivent un autre objectif ? Le système financier a été conçu pour servir l'agriculture et l'industrie ; or voici que c'est l'agriculture et l'industrie qui servent le système financier. Les possibilités physiques de production doivent se limiter aux possibilités financières de distribution ; c'est un désordre.

• 4. Qu'est-ce que la monnaie ?

La monnaie est le moyen de distribution de la richesse. C'est le titre à la production. C'est aussi, dans le monde moderne où tout se spécialise de plus en plus, la licence pour vivre. Quant à la nature de la monnaie, elle importe peu en soi et a varié au cours des siècles. Pour qu'une monnaie soit valable, il suffit qu'elle soit tellement acceptée du public que personne ne la refuse en échange de biens et de services. La monnaie moderne se compose d'un peu de métal, d'un peu de papier et de beaucoup de chiffres appelés "crédit". Actuellement, au Canada, un dixième seulement de la circulation monétaire consiste en numéraire (papier ou métal), les neuf dixièmes sont du crédit.

• 5. Qui contrôle la monnaie ?

Toute monnaie entre en circulation par les banques, et toujours à l'état de dette. La banque crée le crédit qui sert de monnaie. Elle le crée surtout par l'octroi de prêts et de découverts (lignes de crédit) ou l'achat de titres et d'effets commerciaux. Ce crédit est une monnaie temporaire ; sa mise en circulation fait sortir des banques à peu près son dixième en numéraire. Le prêt tout entier, plus l'intérêt, doit être remboursé. Le remboursement ramène aux banques tout le flot qui en est sorti : les neuf dixièmes en crédit rentrent dans le néant d'où ils furent tirés et le dixième en numéraire rentre dans le tiroir d'où il fut pris. Le remboursement comprend le capital qui fut mis en circulation, plus l'intérêt dont une petite partie seulement entre en circulation. D'où l'origine de la dette inévitable.

Le contrôle consiste en ce que toute monnaie sort des banques et le banquier en règle la condition ; il ne laisse sortir cette monnaie que pour un temps, de sorte qu'il faut constamment revenir le trouver pour alimenter le flot. "Ceux qui contrôlent l'argent et le crédit sont ainsi devenus les maîtres de nos vies et, sans leur permission, nul ne peut respirer." (Quadragesimo Anno). Si donc, la monnaie fait défaut quand on en a le plus besoin, si elle ne naît qu'en créant des dettes, si elle est disponible en temps de guerre et manque en temps de paix, à qui s'en prendre, sinon à l'action des banques ?

Ce même système est en vigueur dans tous les pays civilisés. C'est la finance internationale. Les étapes principales de sa consolidation au cours des derniers siècles sont : 1694, pouvoirs extraordinaires concédés par le roi d'Angleterre Guillaume III au groupe de financiers privés dirigés par William Patterson ; 1790, avènement des Rothschilds et établissements des cinq fils Rothschilds dans les cinq principaux pays d'Europe ; 1844, charte implicitement perpétuelle donnée à la banque privée, faussement appelée Banque d'Angleterre ; en Amérique, introduction de la finance internationale sur les États-Unis devenus indépendants, par le premier secrétaire du trésor, le Juif Alexander Hamilton ; consolidation jusqu'à Lincoln en 1862 ; assassinat de Lincoln en 1865 pour faire disparaître un champion de la monnaie nationale ; resserrement du contrôle en 1873 ; perfectionnement du contrôle en 1913. Les crises sont causées par l'action des banques sous l'impulsion des financiers internationaux.

• 6. Comment rendre la crédit-monnaie social ?

La monnaie, sous forme de crédit, est très acceptable, mais sa manufacture doit être régie par un mobile social. Elle ne peut donc être abandonnée à la discrétion de particuliers qui opèrent pour le profit des actionnaires des banques. Il faut que la société elle-même, par son gouvernement responsable, règle l'émission de la monnaie et le fasse pour l'avantage des membres de la société, de tous les membres de la société.

Puisque la monnaie est le titre à la production, elle doit être en fonction de la production. Tant qu'il y a offre de produits et de services que le consommateur désire, le consommateur doit avoir en main les titres qui donnent droit à ces produits et à ses services. Il en faut autant que cela, et pas plus. C'est le devoir du gouvernement de voir si les titres sont en abondance suffisante et, s'il y a insuffisance, de les manufacturer et de les distribuer aux citoyens, à tous les citoyens. Tout développement de la capacité de production doit se traduire par une augmentation correspondante du pouvoir d'achat, et tous les citoyens, à titre de sociétaires de la nation, ont droit aux nouveaux titres émis par la société.

D'où la nécessité d'un bilan national, pour connaître la capacité de production et la capacité d'achat, afin d'établir l'équilibre. L'existence d'un surplus de production par rapport au pouvoir d'achat détermine la distribution de nouvelle monnaie pour créer des titres à ce surplus de production. Cette distribution directement au consommateur s'appelle un dividende ─ le dividende national. Cette finance directe du consommateur, dans la mesure réclamée par les faits ne cause pas d'inflation, parce qu'elle ne passe pas par la production et partant n'entre pas dans les prix de revient.

Le dividende s'ajoute aux salaires pour constituer le pouvoir d'achat du consommateur. Reste à établir un niveau constant entre le pouvoir d'achat global et la capacité globale de production. On y arrive en faisant payer aux consommateurs la fraction seulement du prix que représente le pouvoir d'achat dont ils disposent collectivement. Si, par exemple, la production totale du pays en une année est de douze milliards et que, pendant cette période, les consommateurs n'ont, en salaires et dividendes, que neuf milliards de pouvoir d'achat à leur disposition, l'acheteur ne paye que neuf douzièmes du prix de chaque article offert au détail, soit 75 pour cent. L'autre 25 pour cent est fourni au marchand par le Trésor National sur présentation des pièces justificatives.

Ces dividendes et ces escomptes constituent une création d'argent et peuvent consister en simples ouvertures de crédit au compte des citoyens (pour le dividende) ou au compte des marchands (pour l'escompte). Ces ouvertures de crédit servent de base à chèques, tout comme les créations de crédit des banques sous le système actuel, mais avec cette différence que les citoyens n'ont pas à rembourser. La monnaie reste en circulation : elle a été émise parce qu'il en manquait, la retirer serait la faire manquer de nouveau. Pourquoi créer une déficience de monnaie quand la production est maintenue ? Si, par suite d'une catastrophe nationale, la production s'affaisse subitement au-dessous du pouvoir d'achat en circulation, le mécanisme créditiste fait encore l'équilibre et maintient la stabilité monétaire : la fraction que paie le consommateur devient simplement une expression fractionnaire ; l'acheteur paie, par exemple, 120 pour cent du prix, et c'est alors le marchand qui remet au Trésor la marge de 20 pour cent. Dans l'un et l'autre cas, le marchand récupère le prix comptable ; dans l'un et l'autre cas, les consommateurs ont accès à la totalité des produits.

• 7. Effets prévisibles de l'application du Crédit Social

I. Dans le domaine public :

a) National ; extinction graduelle de la dette publique, donc diminution des taxes ; cessation des emprunts pour financer les travaux publics ; finance du marché domestique ; stimulation de la production ; ouvertures nombreuses et variées dans l'agriculture, l'industrie, le commerce, les recherches, les services, d'où cessation de la course aux emplois du gouvernement et assainissement de la vie politique ; améliorations sociales tant que les possibilités physiques le permettent ; relations sociales plus humaines, etc.

b) International : échanges facilités entre les nations ; disparition des principales causes de guerre (les causes des guerres modernes sont surtout les rivalités commerciales entre les nations, la dispute des marchés étrangers provenant du manque d'argent dans le marché domestique, les armements nécessités pour occuper les chômeurs.) Si c'est le peuple qui possède l'argent, c'est lui qui place les commandes : il ne commandera pas des munitions de guerre pour avoir le droit de manger, de s'habiller et de se loger ; il commandera directement les choses utiles, d'où orientation de l'industrie vers la production des biens voulus par les consommateurs du pays.

II. Dans le domaine privé :

a) Individu : sécurité économique, possibilité de choisir sa voie, mise en valeur des talents, encouragement à l'initiative privée, véritable liberté, épanouissement de la personne. Rôle éducateur du Crédit Social en instruisant le public.

b) Famille : véritable revenu familial proportionné ; mariage devenu plus abordable ; possibilité d'agrémenter le foyer et y retenir les jeunes et les vieux ; beaucoup moins de frictions et de causes de discorde ; plus de contentement ; plus de repos et d'aide pour la mère d'une famille nombreuse ; véritable appréciation du capital humain.

Louis Even

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