(suite)
La principale source de vitamines A est l'huile de foie de morue, et ce remède a été utilisé pendant bien des siècles sans qu'on pût définir au juste son mode d'action. On expliquait ses vertus curatives de diverses manières, mais toutes les explications données ne pouvaient être corroborées par les travaux de laboratoire. Depuis la découverte des vitamines, la pharmacologie, le laboratoire et la clinique sont d'accord, et il ne reste plus qu'à départir nettement les mérites et les vertus des vitamines A d'avec ceux des vitamines D, toutes deux abondantes dans l'huile de foie de morue.
Puis les pharmaciens et les fabricants de remèdes ont étudié les huiles d'autres poissons, et ils ont découvert, entre autres choses, que l'huile de flétan est environ 120 fois plus riche que l'huile de foie de morue. Leurs efforts sont orientés surtout vers la production de remèdes plus rapides, plus agréables que l'huile ordinaire, tout en préservant les vertus thérapeutiques de cette dernière. Ces efforts ont été heureux, et nous avons maintenant sur le marché une variété suffisante de produits divers bien titrés qui nous permettent d'établir un traitement raisonné dans la plupart des cas, si le patient peut en payer les frais.
Comme toujours et dans tous les domaines, la science va de l'avant, mais la finance guette pour empêcher le médecin de sauver des vies humaines. Les vitamines sont encore d'un prix trop élevé pour le menu peuple ; c'est un traitement de luxe, surtout en temps de crise, et tous les jours le médecin se voit arrêté dans son désir légitime de prescrire des remèdes qu'il sait plus précis, plus faciles à digérer et plus efficaces bien souvent. Il faut demander aux financiers la permission de faire du bien, car "sans leur permission, nul ne peut plus respirer." (Pie XI).
J'ai déjà écrit quelque part, et je l'ai répété dans des assemblées publiques en plusieurs occasions, que le système économique que nous subissons est un régime qui tue. Je l'affirme de nouveau sous mon serment de médecin, et j'ajoute que les autorités civiles, religieuses ou autres, quel que soit leur grade, qui défendent ce régime directement par leurs actes ou par leur parole, ou indirectement de toute autre manière, sont complices de la tuerie dont notre peuple est victime au milieu de l'abondance.
Dans cet ordre d'idées, je me permets de citer l'opinion d'un confrère, le Dr Jacques Tremblay, publiée sous le titre : « Coopération médicale » dans "L'Action Médicale" de juin 1940, pages 108 et suivante :
"Il ne faut pas croire que la maladie ressourtit uniquement à la médecine. C'est aussi une question économique et sociale qui ne devient médicale que lorsque cela cause du souci ou du malaise. La société est malade, elle souffre de la cupidité de ses membres qui ont établi comme base de la vie économique l'intérêt personnel qui exige que l'on fabrique au plus bas prix pour vendre au plus haut, en détruisant les marchandises si leur abondance devient dangereuse pour le maintien des prix. Cela, le médecin ne peut l'oublier dans ses diagnostics et ses traitements. Voici deux exemples :
"Un individu tombe malade et son cas reste une énigme pour le médecin tant que ce dernier ignore que la banque où travaillait son patient l'obligea, sous peine de renvoi, d'acheter des parts à $235. Le client hypothéqua sa maison pour payer les parts et quand celles-ci baissèrent à $23., le renvoi eut lieu quand même. Le revenu disparu, il dut retirer sa fille du couvent et la faire travailler, renvoyer ses domestiques, et sa femme se faire avorter pour éviter les frais d'un autre enfant. La maladie est étiologiquement imputable à ces faits qui ont le pouvoir de provoquer une maladie autant que les microbes ou les poisons."
Au traitement maintenant : « Vous conseillez à un tuberculeux de dormir avec fenêtres ouvertes, de se reposer quand il est fatigué, d'avaler six œufs par jour — quand sa chambre n'a pas de fenêtre, quand il perdra son gagne-pain s'il s'assit au milieu de son travail, quand il ne peut acheter d'œufs parce qu'un citoyen respectable de l'endroit a placé tellement d'œufs dans son frigidaire que leur prix est au-dessus du pouvoir d'achat de ce patient."
"Vous savez qu'un tuberculeux perd l'appétit, ses forces et son poids ; mais vous ne vous préoccupez pas suffisamment de la perte de sa situation et des conditions économiques dans lesquelles il vit, pourtant aussi préjudiciables à sa santé.
"Tout cela, la fatigue, la maladie et la pauvreté empêchent le progrès social. Ainsi, on ne peut discuter le problème de la pauvreté. La santé publique ne reposera sur une base solide qu'au milieu d'une société dans laquelle chaque homme, chaque femme et chaque enfant aura sa part de nourriture, de logis, de vêtement, de travail et de jeux, dans laquelle tous auront un accès garanti aux nécessités de la vie et dans laquelle toutes les ressources de l'art médical seront accessibles à chaque individu."
Je tiens à féliciter le Dr Tremblay de ce dernier paragraphe où il est parfaitement d'accord avec le plus grand économiste des temps modernes, feu le pape Pie XI.
La solution réclamée par le Dr Tremblay est admirable de précision, de clarté, tout comme elle est nettement chrétienne et conforme à la doctrine enseignée dans les encycliques, et elle sera apportée par l'application des propositions du Crédit Social.
( À suivre )
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