Chronique Médicale - XIV - Le Cancer et les Vitamines

Dr Jos.-Élie BÉLANGER, B.A., M.D., L.C.M.C. le samedi, 15 février 1941. Dans Chronique médicale

5. — LES VITAMINES

Dans une des dernières chroniques, j'ai donné le calcul de la combustion de l'alcool dans l'organisme humain, et j'en ai conclu que cette combustion devait se faire en accaparant l'oxygène des cellules. La respiration pulmonaire ne pouvant fournir l'oxygène aussi rapidement que se fait l'absorption de l'alcool dans l'organisme, cet alcool doit rester en partie libre dans le sang ou absorber l'oxygène qui se trouve dans les globules du sang.

Or voici qu'à la date du 28 décembre 1940, je trouve dans les journaux un rapport scientifique présenté par un groupe de savants de l'université Harvard devant l'Association américaine pour l'Avancement de la Science. Ce rapport décrit les constatations faites au moyen d'un appareil tout à fait nouveau appelé l'électro-encéphalographe. Cet appareil enregistre, dit-on, les pulsations électriques du cerveau. Pour un cerveau normal à l'état de veille, il y a émission d'une série de potentiels ou "vagues électriques" au nombre de 10 à 18 par seconde. Six hommes se sont soumis aux effets de l'alcool, en absorbant graduellement jusqu'à l'état d'ébriété confuse ou état d'embarras de la parole et des mouvements volontaires. On a constaté d'abord une atténuation des vagues électriques, puis un ralentissement marqué, le nombre des vagues tombant à la moyenne de 4 à 8 au lieu de 10 à 13 par seconde. Ce rythme correspond de près à celui de l'état de sommeil, mais ressemble encore plus à l'état de suffocation par manque d'oxygène. L'ébriété modérée tient donc le milieu entre l'état de sommeil et celui de suffocation par manque d'oxygène.

Ces expériences confirment donc les effets prévus par le calcul de la formule chimique de l'alcool, et classent celui-ci dans les stupéfiants. Il est donc vrai qu'une partie de l'alcool reste en liberté quelque temps dans le sang et peut exercer, sur les nerfs moteurs, sensitifs et sensoriels, un effet corrosif ou stupéfiant dont la principale manifestation est le sommeil. L'autre partie, en accaparant l'oxygène du sang, produit un effet de suffocation.

Ces constatations sont vraiment merveilleuses de précision et jettent une lumière nouvelle et vraiment précieuse sur les effets néfastes de l'alcool pris sans discernement.

Ce rapport a été préparé par Mme P. A. Davis, Dr F. A. Gibbs, Dr Hallowell Davis, Dr W. W. Jetter et Mme L. S. Trowvridge.

Il est tout probable que c'est l'alcool resté libre dans le courant circulatoire qui détruit les vitamines, surtout les vitamines B1 et C. Cet alcool est alors un corps étranger, comme les microbes et les toxines dans les cas d'infections, et il y a en plus un effet de corrosion directe, lorsque la dose est assez forte.

Comme nous le verrons plus tard, les levures produisent des vitamines en abondance, mais à mesure que la proportion d'alcool augmente dans un moût, les vitamines diminuent. On dit que l'alcool tue les levures grâce à son effet antiseptique, et la fermentation s'arrête d'elle-même. Cette destruction produite par l'alcool sur un organisme vivant, ou plutôt cette inhibition, puisque la fermentation peut reprendre si l'on diminue la proportion d'alcool en diluant le moût, s'exerce également sur les vitamines comme sur les levures elles-mêmes.

Dans la prochaine chronique, nous reprendrons la série régulière et nous étudierons les principales vitamines une à une autant que possible.

Reproduction autorisée

Dr Jos.-Élie BÉLANGER, B.A., M.D., L.C.M.C.

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