Chronique Médicale - XIII - Le Cancer et les Vitamines

Dr Jos.-Élie BÉLANGER, B.A., M.D., L.C.M.C. le dimanche, 15 décembre 1940. Dans Chronique médicale

3. — LES VITAMINES

(Cette tranche de la Chronique Médicale devait paraître avant celle du dernier numéro; le lecteur voudra bien rétablir l’ordre.)

On sait maintenant l’importance ou plutôt la nécessité des vitamines dans le régime alimentaire de l’homme, comme de la plupart des animaux. Presque tous les chercheurs ont d’abord cru que les vitamines A et D étaient les plus nécessaires pour la défense de l’organisme et le fonctionnement normal des glandes internes, mais la part des autres devient de jour en jour plus importante. La vitamine B1 semble devoir jouer un rôle spécial pour le traitement des névrites alcooliques, ce qui indique clairement l’action destructive de l’alcool sur cette vitamine. S’agit-il de corrosion, réaction chimique, inhibition ou simple élimination, on ne sait pas encore. Mais il est certain que les vitamines B1 disparaissent ou sont détruites, et que les buveurs présentent les symptômes d’une avitaminose spéciale même s’ils prennent des vitamines avec leur poison alcoolique.

À ce sujet, voici un cas de chez nous et spécialement intéressant, que je trouve dans l’Union médicale de juillet 1940 (pages 758 à 761). Ce cas a été présenté à la Réunion scientifique du Bureau médical de l’Hôpital Notre-Dame, séance du jeudi le 18 janvier 1940 sous la présidence du Dr Roma Amyot, par les Drs H. Gélinas et G. Leclerc. Il s’agit d’un individu de 32 ans, pouvant à peine se tenir debout, présentant entre autres symptômes: un amaigrissement marqué des jambes depuis 15 jours, anorexie et dyspepsie depuis un mois et diarrhée depuis une quinzaine de jours. Je cite au long le paragraphe spécial des antécédents: “Antécédents : Durant les quatre dernières années, il a consommé une quantité notable d’alcool. La première de ces années, il buvait une à trois bouteilles de bière et 4 à 5 onces de gin tous les jours; la deuxième année, même quantité de bière et 2 onces de gin par jour; la troisième année, 2 à 3 verres de bière par jour et 2 onces de gin tous les deux jours; la quatrième année, il avait encore diminué sa ration de gin. Il n’a jamais bu plus que 5 bouteilles de bière dans une même journée. Il ne lui est arrivé que 5 ou 6 fois d’ingérer 10 à 20 onces de gin dans sa journée. Il n’aurait pas bu d’alcool depuis 3 mois.

“Cure de un mois et demi à St-Benoît en 1936, pour alcoolisme. Gastrite, il y a deux ans. Ne mange pas beaucoup depuis 4 ans. N’a presque pas d’appétit pour la nourriture solide.”

Vient ensuite l’examen complet et détaillé suivi de la signature du Dr L. P. Bélisle.

“Diagnostic. Polynévrite alcoolique.

“Traitement : Vitamine B1, 10 milligrammes, intramusculaire une fois par jour pendant 95 jours, à partir du 2 octobre. Strychnine, 1/30 grain per os 2 fois par jour pendant 27 jours.

“....Nous avons obtenu le retour à la marche après 80 jours de traitement.”

Sortie de l’hôpital après 95 jours. Ce malade a donc reçu 950 milligrammes de vitamine B1 pour revenir à peu près à la normale. Cela fait plus de 300,000 unités internationales, et 7,500 fois la dose physiologique quotidienne, ou une dose quotidienne pour 7,500 jours, ou plus de 20 ans. Et le malade n’avait que 32 ans. On peut avoir de ce fait une idée du processus de vieillissement chez les alcooliques.

Mais pour bien marquer qu’il s’agit de la bière surtout, voici qu’au cours de la discussion, le Dr J. A. Mousseau pose la question suivante :

“Les rapporteurs disent que leur patient a fait un abus considérable de bière. Or, là vitamine B1 est contenue dans la levure de bière. Comment a-t-il donc pu faire de la polynévrite par avitaminose B1 et être ensuite guéri par administration de vitamine B1 ?

Réponse par le Dr Georges Leclerc:

“Au docteur Mousseau : la polynévrite de l’alcoolique n’est pas due seulement à la carence en la vitamine B1, mais aussi à d’autres facteurs non contenus dans la bière (Goodhart).”

La phrase est obscure dans sa dernière partie; elle devrait dire: à la carence d’autres facteurs qui ne sont pas contenus dans la bière. Cette réponse semble confirmer mon opinion que l’alcool a aussi une action néfaste sur nos réserves d’autres vitamines, à part son action spéciale sur nos vitamines B1. Mais voici maintenant la réponse donnée par le Dr H. Gélinas :

“Quant à la vitamine B1 dans la bière, je crois qu’il y en a, mais peu.”

Cette affirmation est parfaitement vraie, et l’on peut conclure que l’addition de vitamines B1 par l’usage de la bière se fait au rythme de la tortue, tandis que la soustraction marche à la vitesse de l’avion, pour me servir d’une comparaison facilement comprise.

Dans la prochaine chronique, je donnerai des considérations générales sur ces deux cas, ainsi que la vraie solution de l’usage des alcools. Pour terminer celle-ci, rions un peu. À mon avis, le sentiment du buveur de bière pourrait se résumer ainsi : Sobre en TOUX, les néphrites et les névrites me suffisent. Puis, il y a longtemps que “la bière que votre arrière-grand-père buvait” devrait être enfin classée parmi... les vieilles urines. C’est d’ailleurs l’effet le moins nocif de la bière.

Reproduction autorisée.

Dr Jos.-Élie BÉLANGER, B.A., M.D., L.C.M.C.

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