À la Province

Gilberte Côté-Mercier le jeudi, 01 janvier 1942. Dans Autres

Créditistes, nos meilleurs vœux, nos vœux les plus chauds, ceux qui montent du plus pro­fond de notre cœur, c'est bien pour notre chère province de Québec que nous les faisons, n'est-ce pas ?

La province de Québec, c'est cette terre que nous foulons, le plus beau pays du monde, que les ancêtres nous ont légué et que les trustards nous ont ravi. Cette patrie perdue, avec toutes les richesses que le bon Dieu y a mises pour nous, nous l'aimons bien, et même nous travail­lons à sa reconquête, nous créditistes. Mais ce n'est pas à cette province-là que nous songeons aujourd'hui.

Nous songeons à cette autre richesse qui, elle, nous est restée, ce capital qui nous sauvera sû­rement de la faillite menaçante. Nous songeons au peuple lui-même droit et généreux, qui souf­fre d'une mauvaise organisation économique et politique.

C'est à ce peuple-là, c'est à cette province-là que les créditistes présentent leurs souhaits de bonne année.

Peuple de chez nous, tu es un peuple à l'es­prit fort et droit.

On te calomnie. On dit que tu souffres de pa­resse intellectuelle. On te confond avec notre élite diplômée peut-être ! Et puis, on ne s'est ja­mais donné la peine d'aller jusqu'à toi porter les lumières. On aurait appris que tu t'intéresses vivement à la pensée, pourvu que l'on te parle pour être compris de toi. Certes, tu te moques des ergoteurs qui parlent pour se faire valoir. Et tu as raison, puisque tu préfères la chose à sa définition, comme l'auteur de l'Imitation. La preuve en est que le bon sens t'éblouit. Tu en as tellement, toi, dans ta tête de Canadien ! Tu te méfies de ce qui ne s'ajuste pas avec ce que tu vois, avec ce que tu sens, avec ce que tu com­prends. Le mensonge te rebute, t'énerve, te dé­goûte. Tu cherches la vérité. Et lorsque tu l'as trouvée, et que tu te rends compte qu'elle éclai­re tout le reste, tu t'en sers pour tirer des con­clusions qui sont loin d'être banales, et qui fe­raient rougir nombre de soi-disant philosophes. De cela, qu'on vienne dire le contraire aux cré­ditistes qui ont bâti en un rien de temps une so­lide école populaire comme il n'y en a sûrement pas beaucoup dans le monde. École qui a com­mencé à régler le vulgaire (pas tant que ça, hein ! bourgeois !) problème de l'argent, et qui attaque maintenant un ordre plus élevé.

On avait beaucoup parlé d'écoles d'adultes, souvent pour les déclarer impossibles. Avec no­tre peuple à l'esprit ouvert et droit, les crédi­tistes ont réalisé ce phénomène d'amener à des études avancées des hommes de peu d'instruc­tion ? Si bien que les professionnels n'y com­prennent plus rien. Adieu, leur prestige basé sur l'ignorance des autres ! Pour garder leur po­pularité, maintenant, ils se rendent compte qu'ils seront obligés de s'instruire ! Et ceux d'en­tre eux qui n'ont pas le courage de l'admettre, appellent les créditistes des démagogues. Dé­magogues un peuple qui voit clair et cherche de plus en plus à voir clair ? C'est vite dit, mais pas si vite prouvé !

Peuple de chez nous, tu es un peuple géné­reux.

On vante ton esprit hospitalier. Là, on ne se trompe pas. Chez toi, on est toujours bienvenu. La mère a des enfants à soigner, de la grosse besogne à faire, elle est malade. Mais, quand même, elle s'orne du sourire, sort "ses cérémo­nies", et vous traite comme un grand seigneur. Cela, c'est peu de choses à côté de tous les au­tres sacrifices de nos femmes fortes et de nos hommes de cœur. L'héroïsme, sait-on bien que ça se pratique à pleine vie dans nos grosses fa­milles ? Et justement à ceux-là qui ont donné le plus, on peut encore demander beaucoup de ser­vices. C'est un peuple vaillant comme le nôtre, pas un autre peuple, qui a élevé cet Institut d'Action Politique, organisation profane unique basée sur du pur dévouement. Pas étonnant que les cupides n'y voient que du bleu !

Peuple de chez nous, peuple droit et géné­reux, c'est toi qui es la province de Québec. Mal­gré le joug de l'argent qui t'écrase si lourde­ment, on trouve chez toi l'énergie qu'il faut pour une résurrection. Sans toi, l'espoir serait vain. Mais, tu es là.

C'est à toi, cher peuple, l'espérance de la pa­trie, que les créditistes présentent de chaleu­reux souhaits de relèvement économique et po­litique.

À tes hommes de trempe, attelés à la besogne animale sept jours par semaine, les créditistes souhaitent plus de loisirs pour permettre à leur âme de vivre.

À tes braves pères de familles, à qui ne sont plus permises les ambitions paternelles, les cré­ditistes souhaitent un climat économique plus calme dans leur pays.

À tes hommes de foi profonde, qui sont des héros 365 jours par année, les créditistes souhai­tent un monde chrétien où la vertu soit plus fa­cile à pratiquer, selon les désirs de nos papes.

À toutes ces femmes de chez nous, qui n'ont d'autre programme de vie que la prière et le sacrifice, les créditistes souhaitent plus d'aise et de joie pour remplir leur vocation.

À tous ces jeunes gens et jeunes filles, ardents de vie et de jeunesse, les créditistes souhaitent un pays où les grands idéaux soient possibles à cultiver et à réaliser.

À tous les pauvres petits enfants qui naissent et qui grandissent, à ceux qui reçoivent de gros jouets très chers comme à ceux qui vont pieds nus, les créditistes souhaitent que les catastro­phes qui se préparent soient détournées de leurs têtes innocentes.

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Peuple de chez nous, les créditistes te por­tent dans leur cœur, et c'est pour cela que c'est à toi qu'ils songent en ce jour des souhaits.

Ils songent à toi. Et ils se préparent un pro­gramme très chargé pour réaliser ces souhaits qu'ils te présentent.

Ils mettent toutes leurs forces à ton service, leur temps, leurs joies familiales, leur argent, leur sécurité même. Les créditistes, ils sacrifie­ront tout pour que ces souhaits qu'ils te présen­tent se réalisent, cher peuple de la province de Québec.

Gilberte Côté-Mercier

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